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Isabelle Autissier: "Certains Etats ont intérêt à ce que la Terre se réchauffe"

Isabelle Autissier, sur BFMTV et RMC le 31 décembre 2014.

Isabelle Autissier, sur BFMTV et RMC le 31 décembre 2014. - BFMTV

La navigatrice Isabelle Autissier est l'invitée de BFMTV et RMC. Elle revient sur la fonte des glaces au Pôle Nord, qui aiguise les appétits de ceux qui voient là une future route maritime pour rallier l'Europe à l'Asie.

Navigatrice, écrivain, présidente du Fonds mondial pour la nature (WWF), ingénieur agronome... Isabelle Autissier, qui passe deux à trois mois par an sur les mers accompagnée de scientifiques et d'intellectuels, cumule les casquettes. Elle était l'invitée mercredi de BFMTV et RMC.

#Fonte des glaces: "Des villages déplacés"

Comment rallier l'Europe et l'Asie en bateau? La navigatrice, qui vient de publier un livre à ce sujet (*), s'interroge sur l'intérêt aiguisé des pays pour le chemin maritime par le Nord, "passant par l'Arctique". "D'ici 2030, on passera directement par le Pôle Nord, car il n'y aura plus de glace en été... On fera Shanghaï - Pôle Nord - Détroit de Behring - Islande. Les marchandises vont circuler plus rapidement: c'est pourquoi certains Etats ont malheureusement intérêt à ce que la Terre se réchauffe", estime la navigatrice.

"Les Islandais sont ravis de voir les Chinois arriver pour construire des ports, dans l'idée qu'un jour cette route maritime va exister", poursuit-elle. "Mais c'est une catastrophe dans certaines zones. Comme il y a moins de glace, il y a moins de résistance aux vagues, les tempêtes envahissent les villages, que l'on est obligé ensuite de déplacer. Pour les habitants, ce sont des bouleversements."

#Déchets plastiques: "Les animaux meurent étouffés"

Les déchets plastiques dans les océans sont multipliés par 10 tous les dix ans depuis 1950. Un phénomène qui inquiète Isabelle Autissier. "Aujourd'hui, les Français utilisent environ 300 tonnes de plastique par an environ, qui se retrouvent un jour ou l'autre dans l'océan, s'ils ne sont pas recyclés. En Méditerranée, mer toute petite, il y a des dizaines de milliards de déchets plastiques! C'est un vrai souci, car ils infectent toute la chaîne alimentaire, même s'ils sont microscopiques. Il y a des zones où il y a six fois plus de plastique que de plancton. De nombreux animaux marins et oiseaux se trompent, les absorbent, et meurent étouffés, l'estomac rempli de plastique."

#Surpêche: "La nature reprend ses droits"

Les bonnes nouvelles existent, comme le rappelle la présidente du WWF: "Quand on fait un tout petit peu attention en régulant notre effort de pêche et la consommation de poissons, la nature reprend ses droits dans la plupart des cas". Ainsi, selon les scientifiques, les stocks de thon rouge, dont la pêche a été largement restreinte ces dernières années, sont estimés actuellement à 585.000 tonnes, contre 150.000 au milieu des années 2000.

"Mais pour cela, il faut une volonté politique", insiste Isabelle Autissier. "Sur la pêche profonde, la France traîne des pieds. On a obtenu qu'à partir du 1er janvier 2015, on ne va plus pêcher en dessous de 600 mètres en France, et pourtant, la France se plaint auprès de Bruxelles pour faire reculer cette date. Or, on parle là d'écosystèmes millénaires. Une fois que le chalut passe dedans, c'est fini. Le corail et les milieux de vie sont détruits."

"Maquereau, sole, hareng, merlu, de nombreuses espèces de poissons sont menacées aujourd'hui", poursuit-t-elle. "Les petites car on les réduit en farine pour nourrir les poissons d'élevage, et les grosses car elles sont très pêchées. Or, quand il n'y a plus de poissons, il n'y a aussi plus de pêcheurs. Protéger la biodiversité, c'est aussi protéger ces professions."