Jean-Pierre Elkabbach: Europe 1 écarte l'intervieweur politique de sa matinale

Le journaliste Jean-Pierre Elkabbach. - Philippe Huguen - AFP
Europe 1 fait taire Jean-Pierre Elkabbach. A 79 ans, cette figure historique de la radio Europe 1, n'assurera plus son interview du matin qui a marqué la vie politique française. Le journaliste conserve son émission politique du week-end. C'est ce qu'a annoncé lundi la direction de la radio dans un communiqué.
Le vétéran de l'interview politique va être remplacé à partir du 2 janvier en semaine par Fabien Namias, qui quitte ses fonctions de directeur général de la station mais reste directeur de l'information, précise le groupe.
Chute de l'audience
Ces changements, annoncé lundi matin aux salariés par Denis Olivennes, président de la maison-mère d'Europe 1 Lagardère Active, ont été décidés en raison de la chute de l'audience de la radio depuis des mois.
S'il ne présentera plus l'interview quotidienne matinale, Jean-Pierre Elkabbach garde son rendez-vous politique du dimanche matin, Le Grand Rendez-vous, et gagne deux interviews politiques le samedi et le dimanche à 8h20.
Arafat, Gorbachev, Castro, Mandela...
Son éviction de l'interview politique quotidienne marque la fin d'une époque. Jean-Pierre Elkabbach est dans le paysage médiatique et politique depuis les années 70. Son style pugnace, au risque d'irriter, qui pouvait aussi se faire bienveillant avec certains, a marqué des générations d'auditeurs: Jean-Pierre Elkabbach, 79 ans est un vétéran du journalisme politique.
Ce professionnel infatigable, qui a aussi été patron de radio et de télévision, a parfois été brocardé pour ses amitiés politiques supposées - de Valéry Giscard D'Estaing à Nicolas Sarkozy puis François Hollande.
Il a interviewé tous les grands de ce monde: Arafat, Gorbatchev, Mandela, Castro, Bill Clinton, George Bush, Vladimir Poutine...
L'un de ses invités les plus inoubliables fut sans doute le secrétaire général du PCF Georges Marchais qui le rabroua lors d'une interview sur Antenne 2 en 1980. La célèbre formule, "Taisez-vous Elkabbach!", n'a en fait jamais été prononcée par Marchais, mais imaginée par les humoristes Pierre Douglas et Thierry Le Luron caricaturant le débat.
La longévité d'Elkabbach à l'antenne a fini par lasser une partie du public: le mois dernier, lors du 3e débat de la primaire de la droite dont il était l'un des animateurs, il avait fait l'objet de nombreuses critiques d'internautes et de commentateurs après un échange très sec avec Bruno Le Maire, au cours duquel il avait mis en doute le fait que le candidat incarne le renouveau.
Sur Europe 1, il conservera malgré tout un rôle non négligeable en année électorale: son émission politique du dimanche matin, "Le Grand Rendez-vous".
Toujours proche des cercles du pouvoir, accusé par certains de complaisance envers ses invités ou d'être donneur de leçons, "JPE" a longtemps été un pilier de la direction de Lagardère: protégé du fondateur Jean-Luc Lagardère, puis de son fils Arnaud, il est aussi très lié à Ramzi Khiroun, conseiller d'Arnaud et ex-conseiller de Dominique Strauss-Kahn.
Après avoir étudié à l'Institut d'études politiques de Paris, il a commencé sa carrière comme correspondant de la RTF à Oran, sa ville natale, avant d'être nommé à Paris en 1961.
"J'ai connu l'ANPE"
En mai 1968, il est mis au placard de ce qui faisait encore partie de l'ORTF et allait devenir France Inter, pour avoir fustigé les "censeurs", avant de passer à la télévision en 1970. Il y présente le journal de la Une puis de la Deux. En 1974, à l'occasion de l'éclatement de l'ORTF, il est à nouveau écarté du petit écran.
Il revient alors sur France Inter où son émission, 13-14, est un succès.
En janvier 1977, sa nomination à la tête de l'information d'Antenne 2 s'accompagne de plusieurs départs au sein de la rédaction. A la suite de la victoire de François Mitterrand en 1981, il est évincé de la chaîne publique en raison de ses attaches giscardiennes.
"C'était une période où même ceux que j'avais aidés ou promus changeaient de trottoir quand ils me voyaient. J'étais atteint de mort sociale, je n'existais plus. J'ai connu l'ANPE", racontait-il en 2015.
L'année 1982 marque son arrivée sur Europe 1, où il devient directeur d'antenne puis l'année suivante directeur général adjoint.
Acculé à la démission
En 1991, il revient à la télé, dans l'éphémère chaîne La Cinq puis à France 3, où il anime l'émission Repères. En 1993, il devient PDG de France 2 et France 3, où il favorise l'ascension de nouveaux animateurs comme Jean-Luc Delarue, Arthur ou Nagui. Mais après la révélation des contrats de centaines de millions de francs attribués aux animateurs-producteurs stars de France 2, il est acculé à la démission en 1996.
En 1993, 12 ans après son éviction d'Antenne 2, il est celui qui recueille les confidences de François Mitterrand. Il en tire une série documentaire intitulée Conversations avec un président.
Jean-Pierre Elkabbach préside la chaîne Public Sénat depuis sa création en 2000 jusqu'en 2009, où il lance l'émission Bibliothèque Médicis qu'il a conservée. Lorsqu'il prend les rênes d'Europe 1 en avril 2005, la station est en petite forme, en cinquième position, derrière RTL, NRJ, France Inter et France Info.
Mort de Pascal Sevran
Pendant la campagne présidentielle de 2007, il est régulièrement brocardé par les Guignols de Canal+ pour sa proximité supposée avec Nicolas Sarkozy. En 2008, sa radio annonce, sur ses indications, à tort, la mort de Pascal Sevran, la première grosse erreur de sa carrière, déclarera alors le journaliste.
Marié avec l'écrivain Nicole Avril, il est père d'une fille, l'actrice Emmanuelle Bach (Un Village Français).