Tech&Co
Vie numérique

Que risque-t-on à espionner le smartphone de son ou sa partenaire?

placeholder video
Le fait de fouiller dans le smartphone d'un partenaire peut être puni par la loi. Une pratique pourtant largement répandue.

Près de 40% des Français ont déjà fouillé dans le téléphone de leur moitié, dont 19% de manière occasionnelle ou quotidienne. Ce chiffre est le résultat d'un sondage Ifop réalisé pour le Journal du Geek. En plus d'être une pratique moralement discutable, le fait de fouiller dans le smartphone de quelqu'un est illégal et peut être puni par la loi.

Au niveau civil, le fait d'espionner le smartphone de son partenaire peut constituer une faute conjugale grave, et rend donc "impossible le maintien de la vie commune". Plus grave, cela peut constituer des faits de harcèlement, notamment s'ils sont répétés. "On parle aussi d'espionnage conjugal", explique maître Oriana Labruyère, avocate en droit du numérique et fondatrice de La robe numérique. Concrètement, la personne espionnée peut poursuivre son conjoint en justice et réclamer des intérêts à hauteur des dommages subis.

Répréhensible pénalement

Par ailleurs, le Code pénal punit "l'accès et le maintien frauduleux dans un système automatisé de traitement de données" d'une peine de trois ans de prison et de 100.000 euros d’amende selon l'article 323-1 du code pénal.

"Espionner un téléphone ou un ordinateur, par exemple, est donc bien répréhensible pénalement", précise l'avocate en droit du numérique.

Il est par ailleurs tout à fait possible de porter plainte contre son conjoint, même s'il n'a visionné le contenu que d'un seul message.

Par ailleurs, l'article 222-33-2-1 du Code pénal précise que "le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende."

Enfin, si l'espionnage est constitutif d'une situation de harcèlement ayant poussé l'autre personne au suicide - ou à une tentative, cela peut monter jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende, toujours selon le 222-33-2-1 du Code pénal. Le statut conjugal - que l'on soit mariés, pacsés ou concubins - n'influe pas sur les peines.

Preuve "loyale"

Au civil, la preuve doit être "loyale": elle ne peut pas être créée à l'insu de la personne. Pour prouver qu'un téléphone a bien été espionné, le recours à un huissier peut être pertinent. Car pour prouver l'espionnage par un conjoint ou une conjointe, il est évidemment interdit d'espionner à son tour, cela constituerait une preuve "déloyale".

Un exemple de preuve loyale serait de comparer, avec un huissier, les heures de connexion d'un smartphone et le planning de son propriétaire, afin de prouver que le smartphone a été utilisé alors que son propriétaire n'était pas en mesure de le faire.

"En revanche, la preuve ne sera pas loyale si j'installe une caméra secrètement dans mon domicile pour prouver que mon conjoint m'espionne, ou si j'utilise un logiciel espion" explique maître Labruyère.

Enfin, dans le cas où les conjoints se sont échangé les codes secrets de téléphone, ce sera à la personne espionnée de prouver que l'autre n'était pas en droit de le faire. "Concrètement, la preuve pourrait être loyale à partir du moment où les deux parties ont conscience des dispositifs employés", précise l'avocate. "Dans le cas d'une caméra installée sur une initiative commune, par exemple".

Victoria Beurnez