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Publicités, contenus suggérés, marques: le fil d'Instagram fait peu à peu disparaître nos amis

L'application Instagram pour smartphone

L'application Instagram pour smartphone - BFMTV

Depuis quelques semaines, l'algorithme d'Instagram met plus en avant que jamais les publicités et les contenus recommandés. Les photos de ses proches sont devenues quasiment invisibles.

Si vous avez l'habitude d'ouvrir régulièrement Instagram, vous avez peut-être remarqué l'omniprésence de publicités ou de contenus dits "recommandés". De tels contenus sont issus de comptes que vous ne suivez pas, mais que les algorithmes d’Instagram estiment pertinents pour vous.

Comme l’explique Instagram, ces algorithmes étudient le comportement de l’utilisateur (les publications qu’il a aimées ou commentées), la popularité du compte à l’origine d’une publication, ou encore sa popularité, pour décider d’afficher ce contenu sous la forme d’une "publication suggérée".

Les utilisateurs cherchent leurs contenus

Face à la toute puissance de cet algorithme, de nombreux utilisateurs critiquent ces nuées de publicités ou de publications émanant de comptes inconnus - parmi lesquelles de nombreux Reels, le format inspiré de TikTok. Ils se plaignent de voir de moins en moins de publications issues des comptes qu'ils suivent vraiment.

Les commentaires des utilisateurs hostiles à cette évolution d’Instagram se multiplient sur des forums en ligne tels que Reddit, mais aussi sur les réseaux sociaux comme Twitter. Ce 8 juin, le site américain Mashable publiait un éditorial dénonçant les choix des dirigeants de la plateforme.

"J’ai ouvert l’application Instagram sur mon iPhone et ai décompté 14 publicités, contenus sponsorisés ou contenus suggérés parmi les 16 premières publications de mon fil. J’ai dû parcourir six publicités avant de voir apparaître le contenu d’un compte auquel je suis vraiment abonné" regrettait ainsi le journaliste Stan Schroeder.

Pour mesurer le phénomène, BFMTV a demandé à un échantillon d’utilisateurs de décompter la nature des différents types de publications. Vingt personnes, qui utilisent plus ou moins fréquemment la plateforme, ont été invitées à classer en trois catégories les vingt publications les plus récentes de leur fil Instagram.

La première catégorie englobe les publications mises en ligne par des comptes réellement suivis par l’utilisateur, tandis que la deuxième regroupe les publicités. Enfin, la troisième concerne les publications "suggérées" par les algorithmes de la plateforme

Dans le cadre de cette expérience, les stories ne sont donc pas concernées. Le test a par ailleurs été réalisé en utilisant l’application Instagram sur iOS ou Android, et non la version pour ordinateur.

13% de publications d’amis

Le résultat est probant: en moyenne, sur la base des vingt premières publications visionnées par les vingt personnes sélectionnées, près de la moitié (47%) sont des contenus que l’utilisateur n’a jamais demandé à voir: 20% sont des publicités et 27% sont des contenus suggérés.

Les contenus suggérés peuvent apparaître sous certaines mentions affichées par Instagram comme "parce que vous avez interagi avec", "parce ce que vous suivez", ou encore "parce que vous avez regardé".

Si 53% des publications émanent donc de comptes suivis par les utilisateurs, l’application ne leur propose en moyenne que 13% de contenus publiés par de “petits comptes” (moins de 10.000 abonnés); autrement dit, dans l’immense majorité des cas, leurs amis.

Comme évoqué plus haut, Instagram précise que ses algorithmes de sélection des contenus suggérés privilégient les comptes très populaires. Cela semble également être le cas lorsqu’il s’agit d’afficher des publications des comptes véritablement suivis par les utilisateurs.

Les "gros" comptes (entreprises, marques, médias) représentent ainsi 40% du total des contenus affichés et les trois quarts des contenus provenant de comptes suivis par les utilisateurs.

Stratégie revendiquée par Mark Zuckerberg

Cette évolution n’a rien d’une erreur. Elle est ouvertement assumée par les dirigeants de Facebook et Instagram (qui appartiennent tous deux au groupe Meta).

Au mois de mai, Adam Mosseri, en charge d’Instagram, rappelait sa volonté de privilégier l’affichage de contenus recommandés par ses algorithmes chargés de déterminer ce qui plaira à l’utilisateur, plutôt que les contenus publiés par les comptes que suit vraiment l’utilisateur.

Ce 22 juin, Mark Zuckerberg évoquait lui-même sa volonté de privilégier les contenus sélectionnés par la machine, aux dépens de ceux de ses proches.

Pour Meta, cette stratégie vise à rattraper son concurrent TikTok, qui parvient à aspirer l’attention de ses utilisateurs trois fois plus longtemps qu’Instagram aux États-Unis, et deux fois plus longtemps en France.

Pour l’entreprise, le temps passé sur ses applications est le principal critère de rentabilité, donc de survie, la publicité étant la pierre angulaire de ses revenus.

Malgré les nombreuses plaintes, l’entreprise semble donc convaincue du bénéfice de ces changements, éventuellement destinés à séduire un public plus jeune, habitué à davantage dépendre des algorithmes par son usage de TikTok.

Pour comparer les chiffres évoqués plus haut aux véritables mesures de la plateforme, BFMTV a sollicité Instagram, afin de connaître le pourcentage de publications sponsorisées et de publications suggérées apparaissant sur le fil de ses utilisateurs. Instagram n’a pas souhaité répondre.

Raphaël Grably et Victoria Beurnez