Rédaction sur le suicide : un sujet choquant pour les parents

Un professeur a été suspendu après avoir demandé à ses élèves une rédaction sur le suicide - -
Est-on assez mûr en classe de troisième pour prendre du recul et disserter sur le suicide ? Un professeur du collège de Montmoreau-Saint-Cybard (Charente) a demandé à ses élèves de troisième le 22 octobre dernier de travailler sur le sujet de rédaction suivant : « Vous venez d'avoir 18 ans. Vous avez décidé d'en finir avec la vie. Votre décision semble irrévocable. Vous décidez dans un dernier élan de livrer les raisons de votre geste. En dressant votre autoportrait, vous décrivez tout le dégout que vous avez de vous-même. Votre texte retracera quelques événements de votre vie à l'origine de ce sentiment ». Choqués, des parents ont fait remonter l’information. Pour eux, les enseignants ne sont pas préparés à aborder ce genre de thèmes avec les élèves. Ce professeur de lettres a donc été suspendu provisoirement par l'inspecteur d'académie.
« Des explications confuses »
« Faute professionnelle » ou « grosse maladresse », les explications de l'enseignant de Charente permettront d'en savoir plus sur les raisons d'une rédaction qui suscite la polémique depuis lundi. Pour le moment, d'après le directeur d'académie, l'enseignant n'a donné que des explications « confuses », mais il pourra développer dans les jours qui viennent ses motivations pédagogiques. « Cet enseignant est très apprécié des élèves et des professeurs, confie le directeur d’académie de Charente Jean-Marie Renault. Il enseigne depuis plusieurs années et il n’y a jamais eu aucun souci. Je crois qu’il réalise enfin qu’il y a eu une émotion légitime à cause de ça. Est-ce qu’on est dans la faute ou dans la maladresse ? »
« Ce sujet de rédaction me choque »
Le suicide est un sujet délicat et pour de nombreux parents, il n’a pas a être abordé de la manière dont il l’a été avec cette rédaction. « Ce sujet de rédaction me choque et choquerait certainement beaucoup de parents concernés par le suicide d’un enfant, explique Thérèse Hannier, présidente de Phare Enfants-Parents (association de prévention du mal-être et du suicide des jeunes), dont le fils de 18 ans s’est donné la mort. Les enseignants ne sont pas du tout préparés à aborder le thème du suicide. Mon fils avait 18 ans et je n’ai pas du tout compris à quel point il allait mal. C’est après coup que j’ai su que dans la cour d’école, il lui arrivait de pleurer. Donc là, les enseignants ont un rôle à jouer. Ils doivent pouvoir repérer les élèves qui vont mal et qui ont besoin d’être secourus ».
« Je n’aurais pas donné cette rédaction à mes élèves »
De leur côté, certains enseignants comprennent le souhait d’aborder ce thème de la mort mais ne cautionnent pas la manière de ce professeur de Charente. « Je n’aurais pas donné cette rédaction à mes élèves, assure Michel Buttet, professeur de lettres au lycée et membre du collectif "Sauver les lettres". Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas évoquer le sujet, évoquer le suicide ou la mort. Mais il faut le faire avec la littérature. Lamartine disait que c’est la littérature qui lui a permis d’échapper au suicide. La littérature permet d’en parler comme un objet de réflexion. Le professeur n’est pas un psychothérapeute. Il est là pour exposer la façon dont les hommes se sont interrogés sur l’amour, sur la mort et toutes les questions de l’humanité ».