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Société

"Prolifération exceptionnelle" des guêpes cet été

Une guêpe attaquant une mouche.

Une guêpe attaquant une mouche. - GEORGES GOBET / AFP

Partout, les guêpes étaient partout cet été. La raison ? Peut-être un hiver doux qui a permis aux Reines de survivre mieux que les autres années.

Vous pensiez les avoir laissées derrière vous en quittant votre location de vacances. Et vous les retrouvez un peu partout depuis votre retour chez vous. En terrasse. Dans les squares. Autour des étals des commerçants. Il semble bien que les guêpes aient décidé d’envahir les rues un peu partout en France cette année. "Il y en a partout. En ce moment, je fais 15 interventions par jour, et ça fait trois mois et demi qu’on n’arrête pas. Dans notre domaine, les gens un peu sérieux sont tous sur les rotules tellement il y a d’appels", assure Grégory Bize, gérant de la société Bize Guêpes, une société spécialisée dans la destruction de nids en Île-de-France.

La tendance est confirmée par Sébastien Giordano, à la tête d’une société proposant ses services contre les nids de guêpes depuis trois ans. "On a beaucoup plus de demandes que l’année dernière. En ce moment, on est sur 10 interventions par jour. Souvent les gens sont en voyage, ils reviennent et sont étonnés de voir des guêpes qui se baladent. C’est étrange pour eux, moins pas pour nous", explique-t-il. Et ces insectes ne se contentent pas de se trouver une place dans les parcs.

"On trouve des nids dans les toitures, les volets roulants… J’en ai aussi trouvé un dans une voiture stationnée sur un parking en extérieur et qui n’avait pas bougé depuis un moment. Le propriétaire voulait la vendre mais juste avant de mettre l’annonce en ligne, il s’est rendu compte qu’un nid de guêpes s’était installé dans le véhicule", raconte Sébastien Giordano.

"Je ne pense pas que ce soit la terreur de l’année"

"Oui, on a beaucoup de demande cette année, mais pas plus qu’il y a deux ans", tempère Barthélémy Pascal, directeur de la société QSFSP (Qui s’y frotte s’y pique). Dans le secteur depuis 8 ans et basé à Paris, il voit dans la recrudescence de cette année la confirmation d’un "cycle".

"Tous les trois ou quatre ans, on a de grosses montées de nids de guêpes. Il y a trois ans, on a travaillé quasiment deux fois plus qu’en ce moment. Par ailleurs, on va rentrer dans la phase descendante. A partir d’octobre, on s’aperçoit que ça commence à bien descendre. Et novembre-décembre c’est la fin des guêpes. Je ne pense pas que ce soit la terreur de l’année".

"Il suffira d’une ou deux petites gelée blanche d’ici un mois, un mois et demi et on entendra plus parler des guêpes. C’est saisonnier, c’est comme ça", enchaîne Mathieu de Florès. Entomologiste à l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE), il reçoit chaque année de nombreux signalements provenant de tout le territoire. "Cette année, c’est effectivement relativement généralisé, de belles populations se sont installées un peu partout. Mais c’est souvent une impression personnelle: s’il y a un nid de guêpes pas très loin de chez vous, vous aurez l’impression qu’il y en a plus. En dehors de ça, on n’a pas vraiment de données scientifiques qui permettent de dire qu’il y en a plus ou moins".

Après un hiver doux "on peut imaginer que beaucoup de reines ont survécu"

Ce qui est certain, c’est que les conditions climatiques de l’année écoulée ont été favorables aux guêpes.

"Cette année, il y a eu une période d’hiver très courte, on peut imaginer que beaucoup de reines ont survécu, explique Claire Villemant, entomologiste au Museum d’histoire naturelle de Paris. Il y a ensuite eu un printemps et un été favorable pour que les guêpes trouvent les insectes qui constituent leur nourriture. En ce moment, on est dans une période de pic d’activité pour elles: les ouvrières sortent pour nourrir toutes les larves de la génération sexuée. Un peu plus tard, celle-ci va quitter le nid pour s’accoupler, puis les reines potentielles vont aller se planquer dans le sol, sous les écorces, dans les maisons".

Et si vous avez l’impression de n’avoir jamais autant croisé de guêpes, sachez que "cette année est normale si on compare à 50 ou 100 ans en arrière", assure Claire Villemant. "On parle depuis bien longtemps des années à guêpes, complète l’entomologiste. Mais autrefois, des populations de guêpes telles qu’on les observe ces jours-ci, ce n’était pas du tout surprenant. Les populations d’insectes diminuent quand même considérablement, avec des chiffres catastrophiques, à cause des activités humaines".

"En ville, elles ont toujours été là"

Pour 2018, "on peut parler de prolifération exceptionnelle d’une année sur l’autre, mais ce n’est certainement pas une invasion. La seule espèce qu’on pourrait qualifier d’invasive c’est le frelon asiatique", confirme Mathieu de Florès.

"En ville, elles ont toujours été là, enchaîne Claire Villemant. Pour elles, le milieu urbain est plus limité que le milieu naturel, mais c’est possible, à partir du moment où il y a un minimum de végétation avec les insectes associés". La chercheuse regrette d’ailleurs "qu’on détruise beaucoup de nids, alors que dans certains cas ce n’est pas forcément nécessaire".

D’autant plus que la guêpe ne doit pas être réduite à une simple nuisance. "En dehors de venir nous embêter à table, sont des insectes absolument essentiels dans les écosystèmes, fait remarquer Mathieu de Florès. Elles vont capturer énormément d’autres insectes et les donner à manger à leurs larves, ce qui peut permettre de protéger certains arbres par exemple. Elles sont aussi des pollinisatrices occasionnelles. Ce sont des insectes qui ont leur place autant que les autres dans les écosystèmes. On arrive à cohabiter la plupart du temps. Et on a survécu jusqu’à présent donc je pense que ça devrait aller".
Antoine Maes