Mariage gay : l'opposition prête à une guerre d'amendements
Les députés français engagent mardi l'examen du projet de loi sur le mariage et l'adoption par les couples homosexuels, la réforme sociétale la plus importante en France depuis l'abolition de la peine de mort en 1981.
Le projet de loi sur le mariage pour tous est débattu à partir de ce mardi dans l'hémicycle et devrait être voté aux alentours du 12 février. Les députés seront entièrement mobilisés sur ce texte puisque des séances sont organisées la nuit et le week-end. Ce projet de loi est vivement combattu par l'opposition de droite et une partie de l'Eglise catholique, qui avaient réussi à mobiliser entre 340 000 personnes, selon la police, et un million selon les organisateurs, le 13 janvier à Paris. Les partisans du mariage homosexuel leur ont répondu dimanche dans les rues de la capitale en faisant défiler entre 125 000 et 400 000 personnes en faveur de cette réforme qui devrait obtenir aisément une majorité à l'Assemblée.
Mais l'opposition de droite, qui voit dans ce dossier une occasion de se requinquer après la guerre entre François Fillon et Jean-François Copé pour la présidence de l'UMP, entend jouer toutes les cartes à sa disposition dans l'hémicycle. « Notre mobilisation sera importante. Nous souhaitons un débat serein mais nous défendrons toutes les procédures », a déclaré Christian Jacob, le président du groupe UMP. Sur les 5 367 amendements déposés lundi, la quasi-totalité émanent des rangs de l'opposition et, hormis celui qui propose de créer une « alliance civile » plutôt que le mariage homosexuel, la plupart visent à supprimer un par un les alinéas du texte.
Si le nombre d'amendements est imposant, il est loin cependant de battre des records : 137 665 en septembre 2006 lors de l'examen du texte sur l'énergie, 14 888 en janvier 2005 sur la réforme de La Poste, 12 805 en février 2003 pour la réforme des modes de scrutins aux élections locales, 11 153 en juillet 2003 pour la réforme des retraites.
« Détermination totale » du gouvernement
C'est la gauche qui menait alors bataille contre ces réformes et le groupe PS était en pointe par le nombre de ses amendements et l'utilisation des diverses procédure. Face à cette menace d'obstruction, le gouvernement se dit serein et prêt à affronter un long débat. « La détermination du gouvernement est totale pour mener ce projet à bien », déclare Alain Vidalies, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, en rappelant que les sondages donnent une majorité de Français favorables à cette réforme. Afin de couper l'herbe sous le pied de l'opposition qui accuse la majorité d'avoir empêché un débat préalable, le gouvernement a décidé de n'utiliser ni la procédure dite « accélérée », qui permet de réduire le nombre de navettes entre l'Assemblée et le Sénat, ni le « temps programmé », par lequel il est possible de limiter les temps de parole dans l'hémicycle.
Le gouvernement, soutenu par toute la gauche, espère que deux semaines - week-ends compris - suffiront pour examiner ce texte qui compte une vingtaine d'articles, le but étant de procéder à un vote solennel des députés le 12 février. Il y plusieurs décennies que l'Assemblée n'a pas siégé le dimanche et il est rarissime qu'elle siège le samedi. L'issue ne fait guère de doute compte tenu de l'importance de la majorité de gauche et quelques élus de l'opposition ont même annoncé qu'ils voteraient la réforme.
« Penser aux jeunes qui se découvrent homosexuels »
Avec l’ouverture des débats à l’Assemblée, certains députés de la majorité craignent des dérapages, ne serait-ce que verbaux de la part de l’opposition. « La responsabilité des parlementaires, estime Olivier Dussopt député PS de l'Ardèche, qu’ils soient pour ou contre cette loi, c’est de mesurer leur propos. Il y a des milliers d’adolescents qui se découvrent homosexuels et qui n’arrivent pas à en parler avec leurs parents. Avec la violence de certains propos qu’ils ont pu entendre, ces jeunes pourraient avoir encore plus de mal à parler. C’est d’abord à eux qu’il faut penser et se dire que chaque dérapage, chaque mots, chaque insulte ne changera pas l’issue du débats mais ce sera peut-être une blessure pour ceux qui vont l’entendre ».
« J’espère ne pas revivre ce qu’avait de violent et d’homophobe le débat sur le Pacs »
De son côté, Patrick Bloche, député socialiste de Paris qui était en 1999 le rapporteur du groupe PS sur le Pacs, craint de retomber dans les mêmes travers qu’il y a 14 ans. « J’espère ne pas revivre ce qu’avait de violent et d’homophobe le débat sur le Pacs, rapporte-t-il sur RMC. J’espère que 15 ans après, l’opposition parlementaire saura au moins sur la forme contrôler son vocabulaire même si, quelque part, les opposants au Pacs hier sont les opposants au mariage aujourd’hui avec les mêmes arguments ».
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