"Plan banlieues": ce que propose Jean-Louis Borloo
Le Premier ministre a annoncé ce jeudi matin qu'Emmanuel Macron dévoilerait en mai un "plan de mobilisation" sur la rénovation urbaine, notamment dans les quartiers prioritaires.
La déclaration d'Edouard Philippe a fait suite de quelques minutes à la remise du rapport de Jean-Louis Borloo, chargé par le Président de la rédaction d'une mission sur la politique de la ville.
Le texte prévoit "un ensemble d'événements ou de programmes qui j'espère vont changer la donne", a déclaré l'ancien ministre. Ses préconisations sont très attendues en banlieue, où la conjonction des difficultés sociales, économiques et éducatives exacerbent le sentiment de relégation.
Intitulé "Vivre ensemble - vivre en grand la République", ce rapport de 60 pages, qui détaille 19 programmes, appelle à une "réconciliation nationale" et "un changement radical dans la conduite de l'action publique". Jean-Louis Borloo veut ainsi"faire revenir la République" dans les quartiers face au "repli identitaire et communautaire".
Recrutement massif dans l'alternance
"Il faut des programmes extrêmement clairs avec des responsables", a-t-il évoqué à la sortie de Matignon, avec dans les entreprises un "recrutement massif en alternance (...) avec des obligations légales", "ce qui n'est à cette heure-ci pas respecté" selon lui.
"Si on respecte la loi, c'est 250.000 apprentis de plus, 100.000 dans les quartiers par an, et ça change la donne", a-t-il souligné devant les journalistes.
Relancer la "rénovation urbaine"
Autre piste, "relancer cette rénovation urbaine qui avait "métamorphosé une partie des quartiers, mais qui est à l'arrêt depuis quatre ans, cinq ans bientôt", a regretté Jean-Louis Borloo. "Ramener des grues partout, changer le visage des quartiers", a-t-il insisté.
- Une "cité éducative" autour de l'école
"Il y a un énorme travail sur l'école", a poursuivi Jean-Louis Borloo. "Où est installée l'école, ce n'est pas neutre", a-t-il commencé.
"Quand les Français sont en plus grande difficulté, qu'il y a des problèmes linguistiques, sociaux, culturels, évidemment qu'il ne faut pas seulement l'école, mais il faut une cité éducative autour de l'école", a avancé l'ancien ministre.
"Un proverbe africain dit qu'il faut tout un village pour élever un enfant. Donc ça va être de magnifiques cités éducatives avec énormément de moyens humains et d'accompagnement" dans "le sport, la culture...", a-t-il égrené.
"Ces quartiers ont évidemment un avenir numérique majeur", a en outre souligné Jean-Louis Borloo. "Majeur", a-t-il insisté, évoquant rapidement des "campus numériques dans les quartiers", au nombre de 200 selon le rapport. Ce dernier, que l'AFP a pu consulter, mentionne aussi une "académie des leaders" inspirée de l'Ecole nationale d'administration (ENA).
Un fonds de cinq milliards d'euros?
"Il faut qu'on réattribue nos richesses, nos moyens humains" a par ailleurs ajouté celui qui se décrit comme un simple "notaire, ou un tiers de confiance" dans cette mission donnée par l'exécutif. En termes de moyens financiers cette fois-ci, l'ancien ministre propose dans le texte la création d'un fonds doté de cinq milliards d'euros, notamment financé par "la cession des participations de l'Etat en 2018 (10 milliards annoncés)".
Des moyens actuels "en dessous du minimum républicain"
"Je dois avouer ma stupéfaction d'avoir découvert à quel point le système était désinvolte et se mentait à lui-même", affirme en conclusion de son rapport l'ancien ministre, qui souligne combien les moyens déployés dans les quartiers prioritaires "sont en dessous du minimum républicain" et combien les correctifs "se sont quasiment tous arrêtés".
L'ancien président de l'UDI met ainsi en garde contre les "incompréhensions" et les "frustrations" qui "si nous n'y prenons pas garde entraîneront replis communautaire, identitaire, xénophobe".
"La question de l'égalité et de la mixité est un combat politique et culturel qui doit être mené sans relâche" pour "ne pas laisser prospérer les idées d'inégalité des sexes et de séparation des genres dans l'espace public, comme un nouvel apartheid", affirme-t-il.
Le ras-le-bol des élus de banlieue
Le rapport Borloo était très attendu par les élus de banlieue qui ont récemment dénoncé le "mépris de l'Etat", reprochant à ce dernier de ne pas mesurer la gravité de la situation et de se focaliser sur le monde rural.
Signe de cette lassitude, le maire de Sevran Stéphane Gatignon (Seine-Saint-Denis) avait démissionné avec fracas fin mars, se disant "usé par la fonction et par les blocages qui viennent d'en haut".
- "Il faut casser le ghetto, il faut penser autrement nos banlieues. Il faut qu'elles arrêtent d'être le seul lieu de la solidarité nationale", a confirmé ce jeudi matin sur notre antenne Catherine Arenou, maire LR de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), dont une école maternelle a été incendiée en début de mois. "On a toujours traité les conséquences, on n'a jamais essayé de penser les causes", a-t-elle critiqué.
"Les causes, c'est très clair. Sur des quartiers un peu concentrés qui deviennent des ghettos, nous portons la solidarité nationale. Les populations les plus précaires sont (...) mises éternellement dans les zones les plus fragiles. Quand on met des gens fragiles dans des zones fragiles, on ne leur donne absolument ni espoir pour l'avenir, ni chance de réussir. Il faut casser cette formule-là", a-t-elle martelé sur BFMTV.