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L'adultère, un business comme les autres?

Une publicité prise en photo au début du mois de novembre, en région parisienne.

Une publicité prise en photo au début du mois de novembre, en région parisienne. - -

La centrale de réservations d'hôtels à la journée, Day Use, vient de lancer une campagne de publicités vantant à demi-mot l'infidélité. L'occasion de se pencher sur ce phénomène de société, devenu un filon très rentable pour certains entrepreneurs.

"Prenez une chambre pour quelques heures". Le slogan, rouge sur fond blanc, occupe le haut de la nouvelle affiche publicitaire de Day Use, la plus grande centrale de réservation d'hôtels à la journée. Pour ceux qui n'auraient pas saisi le sous-entendu, une photo l'accompagne: on y voit un couple s'enlacer sensuellement… dans ce qui ressemble à un open space.

David Lebée, 32 ans, fondateur et président de l'entreprise, l'assume totalement. "85% de nos clients sont des couples. Parmi eux, 60% sont illégitimes et veulent se retrouver à l'abri des regards, les autres sont des époux qui veulent repimenter leur vie intime". L'idée de vanter un lieu à destination des infidèles ne le choque pas. "On ne juge pas, on ne fait que répondre à une demande…" L'adultère serait-il devenu un marché comme les autres?

"La France est plus libérée"

"Un tabou est tombé, c'est certain", reconnaît l'entrepreneur à BFMTV.com. "Avec la montée en puissance des sites de rencontres infidèles, on n'a pas hésité à se lancer sur le sujet". Gleeden est le plus connu d'entre eux. Lancé en 2007, ce "Meetic " pour se trouver un amant s'est fait connaître à grand renfort de publicités vantant clairement l'infidélité. "Nous, nous n'en sommes pas là, le couple sur notre affiche pourrait tout aussi bien être un couple marié", affirme David Lebée avec un brin de mauvaise foi.

Fait étonnant, cette start-up made in France change le contenu de ses publicités en fonction du pays. "La France est plus libérée", estime David Lebée. "Les Anglo-Saxons sont beaucoup plus réticents sur le fait de louer une chambre pour un couple. Du coup, on a plutôt axé sur le côté corporate", en ciblant les hommes d'affaires en voyage qui veulent se reposer en journée.

"On banalise une pratique douloureuse"

"Officiellement, l'étau de l'infidélité se desserre", reconnaît la psycho-sociologue Patricia Delahaie, à BFMTV.com. "On en parle de plus en plus dans les médias, on l'affiche dans les publicités, ça devient un business. Mais dans la vie quotidienne, quand ça concerne son époux, sa sœur, ou son meilleur ami, on continue de trouver cela mal. Les jugements demeurent extrêmement négatifs, même si le tabou est tombé dans la sphère publique. Cette dichotomie est dangereuse: en affichant l'infidélité de la sorte, on banalise une pratique et on donne à croire que ce n'est pas si grave. Or, quand on est concerné personnellement, l'adultère reste une épreuve très douloureuse."

Pourtant, force est de constater que le business fonctionne: Day Use, créé il y a trois ans, enregistre près de 200 réservations par jour en France, un peu moins à l'étranger, dans des hôtels de 3 à 5 étoiles qui baissent leurs prix en journée. Quant à Gleeden, si le chiffre d'affaires reste secret, le cofondateur du site, Teddy Truchot, reconnaît dans les médias un montant de "plus d'une dizaine de millions d'euros". Et pour ces deux groupes, la concurrence existe. La publicité reste donc un bon moyen de se démarquer... pour s'assurer la fidélité des clients.

Alexandra Gonzalez