CAP petite enfance pour les mères au foyer: la proposition de Schiappa divise

Une crèche à Nantes (photo d'illustration) - Frank Perry-AFP
Une mesure en faveur de l'insertion professionnelle des mères en situation de précarité. Marlène Schiappa, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, a annoncé jeudi lors d'une audition au Sénat travailler avec Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, à la création d'une certification pour les mères non diplômées qui ont quitté le marché du travail afin d'élever leurs enfants.
Un diplôme de validation des acquis de l'expérience
"Un certain nombre de femmes, notamment dans des banlieues ou des zones rurales, ont eu des enfants jeunes, et se retrouvent sans qualification, sans expérience professionnelle à l'âge de 25, 30, 35 ans sur le marché du travail, avec un CV qui est une page blanche, qui n'ont pas de diplôme et qui n'ont comme seul argument dans les entretiens d'embauche que de dire 'j'ai élevé mes enfants', ce qui n'est pas jusqu'à présent l'argument le plus efficace pour trouver du travail et je le déplore", a déclaré Marlène Schiappa.
Il s'agirait d'un diplôme de validation des acquis de l'expérience qui pourrait prendre la forme d'un diplôme d'État du type CAP petite enfance - qui va prochainement être renommé CAP accompagnant éducatif petite enfance - ou brevet d'éducateur de jeunes enfants.
Pour les jeunes parents sans diplôme ni emploi
Cette validation des acquis concernera aussi bien les mères que les pères, a précisé Marlène Schiappa à BFMTV.com, et ne s'adressera qu'aux jeunes parents qui n'ont ni diplôme, ni expérience professionnelle et rencontrent des difficultés pour s'insérer sur le marché du travail.
"Il se trouve que 98% des parents qui s'arrêtent de travailler pour s'occuper de leurs enfants sont des femmes, mais les hommes sont évidemment éligibles à ce dispositif", a indiqué la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes.
Des critiques sur Twitter ont rapidement pointé le risque de dévalorisation de ce CAP et le manque de formation de ces futurs diplômés.
"Les parents n'ont pas ces notions"
Une inquiétude que partage Marie Allibert, porte-parole de l'association Osez le féminisme jointe par BFMTV.com, qui estime que le travail dans le secteur de la petite enfance relève de vrais métiers.
"Ce sont des compétences que l'on acquiert dans un parcours professionnel qui est encore trop dévalorisé. Toute personne qui a un enfant n'est pas capable de travailler dans la petite enfance. Il y a de nombreux savoirs en psychologie, soins ou encore nutrition à maîtriser. Les parents n'ont pas ces notions."
Marlène Schiappa a cependant précisé à BFMTV.com que l'obtention du diplôme ne serait pas automatique mais soumise à conditions.
"S'il n'y aura pas toutes les épreuves du CAP, un parcours de validation des acquis sera mis en place avec un jury, un oral ou un dossier à rendre. Je comprends ces craintes mais ce diplôme ne sera validé qu'à l'issue de formations auxquelles les candidats devront assister. C'est déjà le cas pour d'autres métiers. Il existe des masters en droit en validation des acquis professionnels, ils n'ont pas pour autant moins de valeur."
S'occuper d'enfants, un vrai travail
Une orientation que salue Véronique Revillod, secrétaire nationale CFDT en charge du pôle services aux entreprise et aux particuliers. "La parentalité est encore taboue, regrette-t-elle, jointe par BFMTV.com. "Ce dispositif va dans le sens d'une reconnaissance des acquis de la parentalité mais aussi de ces métiers liés à la petite enfance. Cela permettra de les valoriser alors que l'idée perdure selon laquelle s'occuper d'enfants est facile et ne constitue pas un vrai travail."
Il est déjà possible d'obtenir ce CAP petite enfance par la validation des acquis de l'expérience à certaines conditions. Cela concerne "toute personne disposant de trois ans d'expérience professionnelle dans le secteur de la petite enfance", comme le précise le site de l'Éducation nationale, cela concerne aussi les assistants maternels expérimentés. Mais le fait d'avoir élevé ses propres enfants n'était jusqu'à présent pas pris en compte.
Avec un CAP petite enfance en poche, il est possible de travailler en école maternelle, crèche, halte-garderie ou centre de vacances mais aussi de garder enfants à domicile, comme l'indique l'Office national d'information sur les enseignements et les professions. C'est souvent le diplôme minimum requis.
"Cela ne va que renforcer les stéréotypes"
Certains internautes ont également regretté que les femmes continuent d'être cantonnées à des métiers liés à la petite enfance et que d'autres types de formations ne leur soient pas proposées.
une formation: oui ! mais pas limitée au CAP petite enfance. Et quid des moyens pour garder les enfants pendant les cours ?
— MAMIKAT (@mamikat31) July 21, 2017
C'est également la critique formulée par Marie Allibert, qui déplore une solution en trompe-l'œil.
"C'est une mesure qui concernera principalement les mères car ce sont elles qui s'éloignent de l'emploi après avoir eu un enfant. On va donc professionnaliser par une structure sociale ce qu'elles font déjà: les assigner aux tâches ménagères. Cela ne va que renforcer les stéréotypes qui renvoient les femmes à leur supposées tendances naturelles à s'occuper des enfants et de la sphère domestique."
Des critiques que la secrétaire d'État a balayées. "C'est le diplôme le plus en lien et le plus logique avec l'expérience de ces parents qui ont passé leurs journées à s'occuper de leurs enfants."
"Un artifice, pas une solution"
Offrir la possibilité à ces hommes et ces femmes de se réorienter et de s'ouvrir vers d'autres carrières? "Bien sûr qu'il faudrait permettre à ce public d'accéder à l'université", ajoute Marlène Schiappa. "Mais ces parents ont arrêté l'école après le collège, ils n'ont pas le baccalauréat. On ne peut pas les laisser dans un chômage de longue durée et s'enfoncer un peu plus dans la précarité."
Mais pour la militante Marie Allibert, ce dispositif ne fera que contribuer un peu plus à l''ubérisation" de la société. "Ces personnes qui n'ont pas de qualification, pas de travail, entreraient par la petite porte de l'emploi? C'est un artifice, pas une solution. Ce n'est pas en reconnaissant les compétences de la maternité que l'on va freiner les inégalités."
Pour la secrétaire d'État, ce dispositif n'est qu'une mesure d'un plus vaste plan gouvernemental en faveur de la mixité. Marlène Schiappa a d'ailleurs annoncé la mise en place d'un budget "sensible au genre".