Avion «en mauvais état» : faut-il refuser d’embarquer ?

A Bordeaux, des voyageurs ont refusé d'embarquer dans un Tupolev, un avion de la marque de celui dans lequel le Président polonais est mort samedi - -
A Bordeaux, la plupart des 160 passagers qui devaient décoller ce lundi pour Taba en Egypte ont refusé d'embarquer. Ils s'inquiétaient de l'état de l'appareil, un Tupolev. Le même constructeur que l'avion qui transportait le président polonais et s'est écrasé samedi en Russie.
« Un avion sale, en mauvais état, un équipage fatigué… »
L'avion venait de Deauville, avec des passagers à son bord, qui ont eu très peur pendant le premier vol, comme l’explique Sylvie : « C’était très sale, l’avion était en très mauvais état et pendant le trajet on a eu comme une pluie de grêle, qui est tombée du plafond. Et quand on a atterri à Bordeaux, tous les sièges de l’équipage étaient couchés ; ils nous ont dit qu’ils n’avaient pas dormi depuis 24 heures. C’était lamentable, ils ne parlaient ni anglais, ni français. Ils nous ont aussi dit qu’ils étaient une compagnie égyptienne, mais qui ne faisait pas d’international, donc c’était presque pas normal qu’ils soient là. […] On est montés dans un avion qui n’était pas en état, c’est grave. »
« On a échappé à la mort grâce à l’Aviation civile »
La direction générale de l'aviation civile a décidé de procéder à un contrôle. L'avion a été bloqué à terre pendant plus de 24 heures et remplacé après de nombreuses réparations. Les passagers ont finalement pu partir pour Taba, avec plus de 24 heures de retard. Certains ont décidé de ne pas partir et d'accepter l'indemnisation que leur a proposée leur tour opérateur, Marmara. C’est le cas de Jacques, qui devait embarquer à Bordeaux et a finalement renoncé à ses vacances : « Ils ont fait descendre les gens de l’avion, pour changer des roues. On est tous ravis de la décision de l’Aviation civile. On l’a appelé "l’avion poubelle", "l’avion de la mort", et on est nombreux à penser qu’on a peut-être échappé à la mort grâce à l’Aviation civile. A priori, on aurait pu repartir avec le Tupolev réparé, mais il est clair que personne ne voulait reprendre cet avion ; on aurait eu cette image en tête [ndlr, celle de l'accident du Tupolev qui a couté la vie à 95 personnes en Pologne] et au moindre trou d’air, ça aurait été la panique à bord. »
« Ne pas confondre la qualité de service et la sécurité d’un avion »
Les Tupolev sont-ils pour autant des avions dangereux ? Non, répondent les spécialistes de l’aviation, et notamment Gérard Feldzer, directeur du musée de l’air et de l’espace du Bourget : « Le Tupolev 154, c’est le 4x4 des années 60 de l’aviation. Un avion rustique, donc pas équipé d’équipements très modernes. » Ce qui peut poser des difficultés en cas d’approche délicate, comme le brouillard lors du crash de l’appareil transportant le président polonais.
Rappelant que l’entreprise Tupolev fabrique « depuis plus de 40 ans, d’excellents avions », Gérard Feldzer ajoute, réagissant aux témoignages des passagers du vol Deauville-Bordeaux : « effectivement, si l’équipage était en train de dormir et que les conditions de travail n’étaient pas bonnes, c’est pas bien. Mais ça ne veut pas dire que, parce qu’il y a des sièges défoncés ou des pneus usés, l’avion lui-même n’a pas son intégrité. On ne peut pas confondre la qualité de service et la sécurité d’un avion. »
« Le Tupolev, ancien mais pas particulièrement dangereux »
L’ancien commandant de bord Jean Serrat se veut lui aussi rassurant : « Le Tupolev n’est pas un avion particulièrement dangereux, même s’il est de construction ancienne. Et surtout, les moyens d’approche de précision au sol, notamment de l’aéroport de Bordeaux, sont extrêmement performants. »
Il rappelle par ailleurs que « tous les avions du monde entier sont constitués de pièces, qui ont une date de péremption. Par exemple, telle pièce doit être changée au bout de 5 ans. Et au bout de 5 ans, qu’elle soit en bon état ou pas, elle sera changée, c’est obligatoire. Donc, dire qu’un avion a 20 ou 30 ans, c’est pas très parlant, contrairement à une voiture. En matière d’aviation, ce qui compte, c’est la qualité de la maintenance, des équipages et des aéroports. »