Affaire Legrand-Cohen: la patronne de France Télévisions qualifie CNews de chaîne d'extrême droite, Pascal Praud l'accuse de leur mettre "une cible sur le dos"

"C'est une déclaration de guerre" et "c'est une honte", s'est indigné Pascal Praud au début de son émission quotidienne "L'heure des pros", ce jeudi 18 septembre, retransmise sur CNews et sur la radio Europe 1, propriétés du milliardaire conservateur Vincent Bolloré.
La colère de l'animateur vedette de la chaîne de télévision a été déclenchée par la parution, plus tôt dans la matinée d'un entretien de la présidente de France Télévisions dans le journal Le Monde. "Il faut admettre que CNews est un média d'opinion. Qu'ils assument d'être une chaîne d'extrême droite!", y a déclaré Delphine Ernotte Cunci. C'est la première fois qu'elle emploie ce qualificatif au sujet de la chaîne info.
Un conflit d'une ampleur inédite
Pascal Praud l'a accusée de "[mettre] une cible sur nos vies". Il s'est inquiété des conséquences de ces accusations sur le travail de ses équipes. "Aujourd'hui dans les manifestations, il y aura des journalistes de CNews sur le terrain. Elle leur met une cible sur le dos, elle les met en danger", a-t-il ajouté.
Cette violente passe d'armes s'inscrit sur la lancée de l'affaire Legrand-Cohen. Les journalistes Thomas Legrand et Patrick Cohen sont accusés de connivence avec le PS après la diffusion début septembre, par le magazine conservateur L'Incorrect, d'une vidéo les montrant en pleine conversation avec deux responsables socialistes.
Cette affaire a provoqué un conflit inédit, à un an et demi de la présidentielle de 2027.
"Fragiliser la qualité du débat"
D'un côté, les médias privés dans le giron de Vincent Bolloré, dont CNews et la radio Europe 1, accusent l'audiovisuel public de parti pris pour la gauche. De l'autre, France Télévisions et Radio France contre-attaquent et en appellent à l'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, et aux pouvoirs publics.
Delphine Ernotte Cunci et son homologue de Radio France, Sibyle Veil, ont été entendues mercredi par l'Arcom au sujet de cette affaire. Dans un courrier adressé au régulateur, que l'AFP a pu consulter, les deux présidentes dénoncent "le caractère outrancier et déséquilibré de cette campagne dépasse désormais le simple débat d'opinions", ce qui contribue "à fragiliser la qualité du débat démocratique"
"France Télévisions et Radio France font actuellement l'objet d'une campagne de dénigrement systématique et quotidienne par un autre groupe de médias, en particulier sur les antennes de la chaîne de télévision CNews et de la station de radio Europe 1", écrivent les présidentes des deux entreprises publiques.
"Propos dénigrants"
Elles pointent le "temps d'antenne très significatif" consacré par CNews et Europe 1 à des "propos dénigrants". "Nous aimerions connaître votre position sur le sujet", concluent les dirigeantes, en interpellant le président de l'Arcom, Martin Ajdari.
Bien avant l'affaire Legrand-Cohen, les médias dans le giron de Vincent Bolloré ont fréquemment reproché à l'audiovisuel public de pencher à gauche, notamment dans son traitement des questions d'immigration et d'insécurité.
Eux-mêmes sont accusés par des responsables politiques de gauche de promouvoir des idées d'extrême droite, ce qu'ils contestent. Jusqu'à ces derniers jours, les groupes publics n'avaient jamais directement répondu.
Radio France a été le premier à changer de braquet. Samedi, deux hauts responsables sont publiquement montés au créneau pour réfuter les accusations. Lundi, dans un message interne consulté par l'AFP, Sibyle Veil a dénoncé "une campagne de déstabilisation".
"Ces gens deviennent fous"
"Ces gens deviennent fous", avait rétorqué lundi la vedette de CNews, Pascal Praud, en ouvrant son émission "L'heure des pros". Il avait dénoncé une "offensive tous azimuts contre ce que les bien-pensants nomment la presse Bolloré, mais qui est tout simplement une presse libre et indépendante".
Mercredi, le JDNews, le magazine du JDD, a consacré sa une à l'affaire Legrand-Cohen. Elle est titrée "Radio France, France Télévisions... Le scandale des intouchables" et sous-titrée "Ils donnent des leçons et complotent avec la gauche... avec vos impôts".