Approvisionnement en Lévothyrox: des difficultés préoccupantes, mais passagères

Le Lévothyrox est un médicament utilisé en traitement des dérèglements de la thyroïde, affection dont souffrent près de trois millions de personnes en France. Problème, ce produit difficilement substituable par des génériques, pâtit depuis juin de "difficultés d'approvisionnement". BFMTV.com fait le point.
Mise à jour le 9 août - La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a assuré qu'"aucune rupture d'approvisionnement" n'a été observée concernant le Lévothyrox.
Depuis juin, le laboratoire Merck Serono peine à livrer un médicament essentiel à la santé de nombreux patients, le Lévothyrox (lévothyroxine sodique). Ce remède est généralement prescrit à vie aux personnes rencontrant des difficultés de thyroïde, cette glande cervicale chargée de réguler de nombreux systèmes hormonaux.
Ces "tensions d'approvisionnement", dont ce médicament pâtit depuis juin, ont été actées par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), au début du mois d'août et par le laboratoire Merck Serono dans un communiqué. Les associations de malades se sont émues de cette situation d'autant plus sensible que la prise de ce médicament doit être quotidienne et répond à un dosage très précis.
Combien de temps les difficultés vont-elles durer? Quelle en sont la cause? Pourquoi, à l'heure des médicaments génériques, ces "difficultés d'approvisionnement" inquiètent-elles autant? BFMTV.com a fait le point avec différents acteurs de ce secteur. Décryptage.
> Il y a-t-il rupture de stock de Lévothyrox?
L'ANSM ne parle ni de "pénurie", ni surtout de "rupture de stocks. "Nous voulons rassurer le public, le traitement est en stock, mais il tarde à être acheminé", assure François Bruneaux, directeur adjoint de la direction de la surveillance. Le "principe actif", autrement dit la molécule dont l'ANSM rappelle qu'elle est produite par "plusieurs fournisseurs" et non pas seulement Merck Serono, le laboratoire qui détient la marque Lévothyrox, est donc disponible. La raison de cette pénurie qui ne veut pas dire son nom est donc à chercher ailleurs. C'est "un entonnoir au niveau de la mise sous blister", autrement dit des questions de conditionnement, qui serait à l'origine de ces difficultés.
"Mais la situation était pire il y a un mois", assure François Bruneaux. En cas d'urgence, l'ANSM explique aussi détenir des "stocks de sécurité" d'une molécule italienne strictement équivalente à celle du Lévothyrox. Ces difficultés causées par "l'ouverture du marché à d'autres pays" devraient s'estomper progressivement, dès septembre et totalement, d'ici la fin de l'année, indique le laboratoire. Il précise veiller "à répartir équitablement au niveau des différents grossistes-répartiteurs les quantités disponibles". Merck Serono invoque aussi l'arrêt de la production des laboratoires de produits génériques Téva et Biogaran, pour expliquer les difficultés.
> Pourquoi le Lévothyrox est-il si difficilement "substituable"?
Mais si l'acheminement de Lévothyrox produit par Merck Serono connaît des difficultés, d'ailleurs très variables d'une pharmacie à l'autre, pourquoi ne pas lui substituer des médicaments génériques?
Le professeur André Aurengo, chef du service de médecine nucléaire au CHU de la Pitié-Salpétrière, membre de l'Académie de médecine, explique que "les génériques ne contiennent pas la même quantité de T4 (Une des hormones normalement secrétées par la thyroïde, NDLR) que le Lévothyrox princeps". De plus s'étonne-t-il, "cette quantité de T4 est variable d'un générique à l'autre". C'est la raison pour laquelle le générique n'est généralement pas prescrit. Sinon, explique le professeur: "Il faut refaire toute l'équilibration du traitement. Or, il faut savoir que les hormones thyroïdiennes sont des traitements à marge thérapeutique étroite, c’est-à-dire qu'il faut en donner une dose assez précise". Autrement dit, remplacer le Lévothyrox par un médicament générique est possible, mais pas des plus pratique pour un remède de substitution dont le bon dosage est essentiel.
En attendant, François Bruneaux, conscient des difficultés réelles rencontrées par les patients, formule ce conseil de ne pas attendre la dernière minute pour faire renouveler son ordonnance mais de "prévoir un délai supplémentaire". Quant aux différences de dosage entre le Lévothyrox et les génériques, il serait dû à "une différence de formulation et de brevet", nous explique-t-on. En somme, des procédés de fabrication différents entraîneraient une différence dans la concentration des hormones T4 chimiquement créées.
> Que risquent les malades?
"Quand on est en insuffisance thyroïdienne, ce traitement est absolument indispensable", rappelle le professeur André Aurengo. Les symptômes habituels d'une insuffisance thyroïdienne sont les suivants: "fatigabilité, frilosité, constipation, ralentissement général avec une tendance à s'endormir l'après-midi et ralentissement de toutes les fonctions de l'organisme." On peut en conclure qu'il ne s'agit en aucun cas d'une médecine de confort.
Pour les carences les plus sévères, le praticien rappelle qu'elles peuvent entraîner "un coma, voire dans les cas les plus graves, la mort".
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