Mieux vaut délocaliser le capital que les emplois

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Ce n’est pas un proverbe chinois mais ça pourrait. L’arrivée de Dongfeng (n°2 de l’automobile en Chine) permet à PSA d’espérer remonter la pente. Difficile d’être contre : l’entreprise courait à la catastrophe et tout le monde le sait. L’accord avec General Motors n’a pas fonctionné et c’était déjà un signe d’affaiblissement de l’industrie française. La solution Dongfeng apporte plus d’argent pour investir et des débouchés en Asie, donc plus de chances de sauver des emplois en France. Et puis il est trop tard pour pleurer. Autre vrai-faux proverbe chinois : même pour un lion, mieux vaut manger du riz que mourir de faim.
L'Etat apporte son soutien à cette opération en entrant lui aussi au capital de PSA. Est-ce que c'est une forme de nationalisation ?
A l’heure du "tournant" de François Hollande, le gouvernement jurera que non mais la réponse est oui. Les 3 actionnaires principaux – Dongfeng, l’Etat et la famille Peugeot – seront à égalité avec 14% chacun. Mais c’est l’Etat qui aura la main et on annonce déjà que L. Gallois pourrait présider le conseil de surveillance. D’ailleurs c’est un représentant de Bercy qui est allé négocier en Chine et la famille Peugeot a été mise devant le fait accompli. Après tout, les contribuables français ont contribué au développement puis à la survie de cette entreprise. Donc c’est une demi-nationalisation qui n’est pas idéologique mais qui est… logique.
Est-ce que ça veut dire que l'Etat doit redevenir un acteur de l'industrie ? Est-ce que la France en a les moyens, alors qu'on ne parle que de faire des économies ?
Elle en a les moyens mais surtout, elle n’a pas les moyens de faire autrement. PSA, c’est 200 000 emplois dont 91 000 en France, et des marques de voitures connues dans le monde, même si leur réputation et leurs parts de marché ont chuté. Aucun gouvernement n’aurait pu laisser le groupe tomber dans n’importe quelles mains ou pire, tomber tout court. C’est ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy il y a quelques années en renflouant Alstom avec des fonds publics – l’entreprise a été sauvée. A. Montebourg avait promis que PSA resterait français. Il a eu raison… grâce à l’argent des chinois.
Comment peut-on être sûr qu'à terme, l'entreprise ne va pas supprimer des postes en France pour se développer dans des pays où la main d'œuvre est moins chère ?
Le seul moyen est de réussir le redressement industriel – ce n’est pas gagné. Cela dit, les Chinois ne sont pas des philanthropes mais ils cherchent des partenaires pour des raisons non seulement financières mais stratégiques. On peut aussi espérer que le gouvernement, qui négocie des "contreparties" avec le patronat pour le "pacte de responsabilité", saura en obtenir des actionnaires chinois de PSA – sinon, pourquoi tant de yens ? En attendant, le plan Dongfeng peut faire école. C’est la preuve que nationalisation et mondialisation peuvent être les deux mamelles de l’industrie française.