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Politique

Les socialistes ont l’air de regretter l’opposition!

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Le PS a lancé lundi une pétition en faveur du mariage gay. Il s’associera aussi à la manifestation des mouvements homosexuels dimanche. Et il s’apprête à relancer le débat sur le droit de vote des étrangers. C’est une boutade ?

C’est une idée bizarre de pétitionner et de manifester quand on est au pouvoir. En théorie, c’est une façon pour des opposants de mobiliser, de prendre l’opinion à témoin. Or le PS contrôle le gouvernement et le Parlement, c’est l’un des siens qui est à l’Elysée – et justement la réforme en question est une de ses promesses de campagne… A part en mai 68, quand le pouvoir gaulliste vacillait, on n’a jamais vu un parti majoritaire descendre dans les rues. Donc, comme nous sommes loin de la crise de régime, soit les socialistes ont la nostalgie des banderoles, soit ils se sentent minoritaire. C’est peut-être un peu des deux. Et en réalité, c’est sans doute qu’ils veulent défiler pour empêcher François Hollande de… se défiler.

Pensez-vous que les socialistes redoutent un recul de François Hollande sur les sujets de société ?

Les socialistes sont les mieux placés du monde pour savoir que F. Hollande n’est pas un obsédé de la transformation sociale. Son obsession est le compromis, pas la réforme. Donc le mariage gay et le vote des étrangers ne sont pas des priorités pour lui – il les a à peine (et mal) défendus dans sa conférence de presse du mois dernier. Beaucoup de dirigeants du PS ont interprété sa prudence sur ces deux sujets comme le prélude à un enterrement de 1ère classe. Donc il y a, en effet, une envie de faire pression. C’est une majorité qui ne veut pas tant donner un coup de main au président que lui forcer la main…

On entend quand-même des socialistes importants – M. Valls, par exemple – plaider que les urgences sont plutôt d’ordre économique. Ils ont tort ?

La question est de savoir s’il y aura la place pour autre chose que pour l’économie avant 2017. Sur la question du timing aussi, François Hollande a fluctué. Candidat, il avait dit que le débat de fond sur le mariage gay attendrait 2013 – pour traiter d’abord l’Europe et le budget. En septembre, il a poussé Christiane Taubira à précipiter l’annonce du projet au moment où la majorité se posait des questions existentielles sur la politique d’austérité – d’où le soupçon d’une diversion de l’Elysée. Maintenant, François Hollande veut à nouveau temporiser. Mais beaucoup de dirigeants du PS pensent que plus la politique économique est rude, plus il est utile de rassembler sur des thèmes de société. C’est la carte que veut jouer Harlem Désir.

Autrement dit : mettre en avant des sujets « identitaires » : ceux qui peuvent ressouder une majorité qui aurait tendance à se diviser…

Exactement. C’est ce qu’a fait l’UMP avec ses débats fameux (fumeux) sur « l’identité nationale » : cliver à l’extérieur pour ressouder à l’intérieur. Florange montre qu’il existe des failles béantes au sein du PS et à l’intérieur de la gauche. Le PS a déjà connu cela en 1983-1984 avec l’antiracisme, qui avait servi à remobiliser la gauche malgré le tournant de la rigueur – ça ne vous rappelle rien ? Harlem Désir doit s’en souvenir, c’est lui qui dirigeait SOS Racisme. Sauf qu’à l’époque, c’est l’Elysée qui tirait les ficelles. Aujourd’hui, avec ses pétitions et ses manifs, c’est le PS qui réclame à François Hollande qu’il fasse la politique de sa majorité. Alors que la question est peut-être de savoir si François Hollande a encore la majorité de sa politique.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mardi 11 décembre.

Hervé Gattegno