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Politique

Le mariage gay n’est pas une révolution mais une normalisation

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

L’Assemblée nationale a adopté mardi la loi qui autorise le mariage entre deux personnes de même sexe après mois de débats et de contestations.

Les députés ont dit oui et comme dans un mariage, c’était tout sauf une surprise. C’est un événement politique, pas un changement de société. C’est vrai que le débat sur ce projet a pris une importance démesurée ; mais quoi qu’en dise ses opposants, la loi vise surtout à offrir une reconnaissance légale aux familles homosexuelles – et il y en a déjà beaucoup. Avec ce texte, la France rejoint les grandes démocraties civilisées qui ont autorisé le mariage gay sans causer aucun cataclysme ni décadence. Donc c’est une double normalisation : celle de l’homosexualité en France et celle de la France dans le monde.

La réforme a quand-même soulevé une opposition dont le pouvoir n’avait pas anticipé l’ampleur. Est-ce que ça ne gâche pas en partie le succès politique de François Hollande ?

Peut-être mais si le mariage gay avait été consensuel, il aurait été difficile de le porter au crédit de François Hollande ! Au fond, c’est à la fois la victoire de la tolérance et celle de la démocratie. Le point de vue qui l’emporte n’est pas celui d’une fraction de la population qui impose sa volonté, mais celui d’une majorité de Français qui offre à ceux qui le désirent un droit qu’ils n’avaient pas. Et ce point de vue l’emporte au Parlement, par un vote majoritaire pacifique, comme il sied dans une démocratie représentative. Après tous ces excès, on peut dire : « Mariage tumultueux, mariage heureux. »

Ces dernières semaines, les partisans de la réforme se sont plaints d’un retour de l’homophobie en France. Vous pensez qu’ils ont raison ?

C’est la face sombre de ce happy end législatif. On a vu monter, en effet, dans les manifestations contre le mariage gay, une forme de crispation conservatrice, réactionnaire même, qui est allée jusqu’à la violence verbale ou physique. Ça prouve que : 1. sous les slogans de défense de la famille et de la protection des enfants, c’est bien l’acceptation de l’homosexualité qui est en cause chez beaucoup d’opposants. 2. la société française garde une propension forte à hystériser les désaccords – et cette fois, il faut admettre que Sarkozy n’y est pour rien…

Les opposants promettent de ne pas baisser les bras. Qu’est-ce qu’ils peuvent encore espérer ?

Certains d’entre eux croient aux miracles : ils vont en espérer un devant le Conseil constitutionnel. Ensuite, l’UMP promet d’abroger la loi si elle revient au pouvoir mais à supposer qu’elle le fasse un jour, rien n’effacera les mariages qui auront été célébrés : ces couples-là auront le droit d’adopter, donc la réforme entrera dans les faits, c’est-à-dire dans les mœurs. La seule chose qui pourra défaire ces unions, ce ne sera pas une nouvelle loi mais… la séparation, comme pour n’importe quel couple. Avec le droit au mariage, les homosexuels ont aussi gagné le droit au divorce – n’en déplaise aux défenseurs de la famille traditionnelle, c’est le stade ultime de la normalisation.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 24 avril.

Hervé Gattegno