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Politique

La popularité de Manuel Valls est un trompe-l’œil

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

La percée de Manuel Valls se confirme. Dans le baromètre Ifop-Paris Match, le ministre de l’Intérieur est de loin la personnalité politique préférée des Français. Beaucoup l’imaginent déjà à Matignon. Pas moi.

C’est même un mirage politique. De loin, au milieu du désert gouvernemental où François Hollande et Jean-Marc Ayrault sont déjà ensablés, on croit apercevoir autour de Manuel Valls une oasis de popularité et de confiance. Elle existe dans les chiffres, pas dans les faits. Les sondages lui rendent un hommage justifié, mérité ; mais il le doit surtout au soutien de l’opinion de droite. Alors qu’à gauche, c’est un homme qui divise plus qu’il ne rassemble. En clair, le ministre dispose d’une confiance majoritaire, mais le dirigeant socialiste est minoritaire dans son camp.

Mais peut-on vraiment être populaire à gauche quand on est ministre de l’Intérieur ?

C’est la vraie question. La réponse est oui, mais le plus souvent, c’est provisoire. Clemenceau lui-même, qui reste la référence dans l’histoire de la gauche en matière de sécurité – et dont Manuel Valls a accroché le portrait dans son bureau – a été très critiqué. Gaston Defferre, Pierre Joxe et Jean-Pierre Chevènement, trois ministres qui ont marqué, ont subi eux aussi des attaques sur leur gauche. Ils étaient là pour ça : pour montrer que la droite n’a pas le monopole de la défense de l’ordre, il a toujours fallu un père fouettard. C’est le rôle de Manuel Valls aujourd’hui.

Voulez-vous dire qu’il est trop tôt pour le présenter comme un concurrent de Jean-Marc Ayrault ?

C’est objectivement le ministre qui lui fait le plus d’ombre – mais ça tient beaucoup à la faiblesse d’ensemble du gouvernement. Et si l’on observe les sondages qui flattent Manuel Valls, ils montrent tous que l’électorat socialiste lui préfère Jean-Marc Ayrault. Ça ne fait pas de Manuel Valls un socialiste de droite, comme on l’entend parfois. Plutôt l’aile droite du PS : sur l’immigration, sur les Roms, sur le vote des étrangers, il est en décalage avec la majorité des socialistes. Il l’était déjà à la primaire, l’an dernier, sur les retraites et la TVA sociale : ça ne lui avait pas réussi : il a fait 6% !

Donc il faut comprendre qu’il attend son heure, mais que son heure n’est pas venue ?

Il peut être l’homme du recentrage pour François Hollande en cours de mandat. Il incarnerait une rigueur qui ne serait pas seulement budgétaire – même si le paradoxe, c’est que sa popularité chez les policiers tient précisément au fait que son ministère échappe en partie aux restrictions. Pour l’instant, son équation politique n’est pas gagnante. Il est isolé au PS et le précédent de Jean-Pierre Chevènement n’est pas encourageant : lui avait créé son parti et il n’a fait que 5,5% à la présidentielle de 2002. L’intérêt de Manuel Valls n’est donc pas la dissidence mais… la patience. Il est l’homme-clé du pouvoir ; mais il est loin de tenir les clés du pouvoir.

Pour écouter le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 17 octobre, cliquez ici.

Hervé Gattegno