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Politique

« Il faut une réforme des régimes spéciaux »

François Chérèque, Secrétaire National de la CFDT

François Chérèque, Secrétaire National de la CFDT - -

François Chérèque, Secrétaire national de la CFDT, s'exprime sur les dossiers sensibles de la rentrée sociale : la réforme des régimes spéciaux, la TVA sociale, le pouvoir d'achat...

J-J B : Parlons tout d’abord de l’actualité, la TVA Sociale reste sur l’étagère si j’ai bien compris. C’est une bonne chose selon vous ?

F C : Pour la fluidité c’est une bonne chose parce que le principe de la TVA Sociale pèse plus sur les bas revenus puisque quand vous avez le SMIC par exemple, vous dépensez beaucoup plus d’argent en consommation et la TVA pèse beaucoup plus fort alors que quand vous avez un haut revenu vous pouvez épargner, acheter une maison et là il n’y a pas de TVA. On voit bien que ça désavantage donc les plus modestes donc il vaut mieux pour le moment la laisser de côté.

J-J B : Parlons Rugby un instant, est-ce que vous avez vu les déclarations de Guy Roux quand il dit « on utilise les stades de foot pour les matchs de rugby, qui ne sont pas des matchs, pour faire jouer les équipes de postiers et d’avocats ; si c’était du foot ça ferait 25-0, avec le rugby, on est dans le politiquement correct. » Est-ce qu’il aurait du se taire ?

F C : Oui je pense que c’est inutile de faire ce genre de déclarations, surtout que je pense c’est positif que d’autres équipes puissent participer à une fête et relever le niveau du rugby. Le rugby est un sport qui était quand même réservé à une certaine élite à une époque et si on veut démocratiser ce sport comme ça a été fait dans d’autres, il faut aussi que d’autres populations puissent y jouer.

J-J B : La lettre de Guy Moquet lue quelques heures avant le match contre l’Argentine c’était utile ?

F C : Je ne pense pas que ce soit utile mais ce qui est plus un interrogation c’est l’utilisation de cette lettre à des moments mal choisis. Le rugby n’est pas la guerre donc on ne compare pas une entrée sur un terrain de rugby à un jeune qui va être exécuté. Je pense que ce n’était pas le bon moment.

J-J B : Les régimes spéciaux de retraite, Est-ce une mesure populaire ou non ?

F C : Il est évident quand on voit les sondages que les Français attendent une réforme de ces régimes là, pour deux raisons : pour une question de sauvegarde des régimes qui sont en total déficit et pour une question d’équité. Il faut tout mettre sur la table.

J-J B : C’est indigne qu’il y ait en France des régimes spéciaux ? Le terme « indigne » a été employé par Nicolas Sarkozy, vous êtes d‘accord avec ça ?

F C : Non ce n’est pas indigne. On est en train de monter les Français les uns contre les autres.

J-J B : Le Président de la République serait en train de monter les Français les uns contre les autres ?

F C : Globalement, on explique aux agriculteurs que certains ont des retraites de 400, 500 euros, qu’on va régler leur problème aussi parce qu’on va régler le problème des autres. Or il ne faut pas faire croire aux Français qu’en faisant évoluer les régimes spéciaux de retraite, on va régler le problème des basses tensions. Ca n’a rien à voir puisque les systèmes financiers ne sont pas les mêmes et surtout l’enjeu financier n’est pas le même, donc je crois qu’il faut faire évoluer les régimes de retraite pour des raisons d’équité et d’avenir de notre régime par répartitions, autrement ce sont nos enfants qui vont payer.

J-J B : Alors que faire, on ajoute les primes dans le calcul de la retraite par exemple ?

F C : Il faut tout mettre sur la table, il faut regarder au niveau des pensions. Dans le système privé, le niveau moyen de pension par rapport au salaire de référence est à peu près de 74%. A la SNCF c’est environ 61, 62%. Il y a 10% d’écart au niveau des retraites. On ne peut donc pas regarder ce problème là sans regarder l’ensemble. S’il y a 10% d’écart c’est parce que les salaires sont plus bas et que pour une grosse partie, les primes ne sont pas inclus dans le calcul des retraites. Je pense qu’il faut cesser de dire qu’il n’y a qu’un problème à voir.

J-J B : Vous avez promis un conflit majeur si les réformes se faisaient sans dialogue et sans conversation? Ça veut dire quoi ? Qu’est-ce que vous dites clairement, ce matin, au Premier Ministre et au Président de la République ?

F C : Je dis que l’évolution des régimes de retraite est nécessaire pour des raisons évidentes de démocratie, d’équilibre financier et d’équité. Cela doit se faire par la négociation, dans les entreprises publiques. Il faut tenir compte de la réalité et du calendrier. Je suis bien évidement prêt à engager la discussion et je souhaite, le 18 septembre, quand le Président de la République va parler, qu’il ne caricature pas les systèmes, qu’il ne monte pas les salariés les uns contre les autres, qu’il nous donne un calendrier et une méthode de concertation et en particulier des espaces de négociations dans les entreprises.

J-J B : Ce n’est donc pas la méthode Fillon si j’ai bien compris ?

F C : J’ai cru comprendre qu’il y a avait, dans l’expression de M. Fillon, une volonté d’aller plus vite.

J-J B : Vous pensez que ça peut énerver le Président de la République cette méthode ?

F C : … Joker !

J-J B : Qu’est-ce que vous vous êtes dit avec la présidente du MEDEF ?

F C : On a surtout parler d’une négociation importante, qui est fondamentale pour l’avenir de l’organisation du travail. Il faut se poser des questions telles que comment faire pour que les jeunes aillent plus vite à l’emploi, comment traitons nous le problème du licenciement et l’accompagnement des chomeurs. On a trop de précarités qui se développent dans notre pays et à l’inverse de ce que l’on pense, le code du travail qui est soi-disant très protecteur, crée actuellement de la précarité. On se demande comment amener de nouvelles protections aux salariés.

J-J B : Vous avez trois mois pour conclure ces négociations…

F C : On a jusqu’à fin décembre.

J-J B : Je sais que vous êtes un ardent partisan de la sécurisation du parcours professionnel, c’est la position que vous défendez à la CFDT. Vous dites aussi que « les périodes de chômage doivent devenir une chance de rebondir ».

F C : Evidement, en France, les chomeurs sont souvent des victimes d’exclusion, il y a donc un problème d’accompagnement, on n’arrive pas à mettre en cohérence les emplois qui se libèrent avec les personnes au chômage, mais derrière on a un problème de formation.

J-J B : Est-ce qu’il faut accélérer la chasse aux chômeurs fraudeurs ?

F C : Je pense qu’il faut mettre les choses au point. Le Président de la République nous a parlé d’un grand plan de chasse aux chomeurs fraudeurs, il faut certe condamner la fraude, mais il faut distinguer les réseaux mafieux qui utilise l’UNEDIC pour se faire de l’argent, du chômeur qui soi disant frauderait l’UNEDIC.

J-J B : Qu’en est-il selon vous du pouvoir d’achat ?

F C : Le problème du pouvoir d’achat se pose dans toutes les entreprises publiques mais aussi privées.

J-J B : Alors que faut il faire ? On augmente les salaires?

F C : On a dit aux gens d’augmenter ce pouvoir d’achat en travaillant plus ; aujourd’hui, si l’économie ne produit pas plus elle ne produit pas d’heure supplémentaire et il n’y pas de travail en plus. On sait très bien qu’il y a 70% des salariés qui ne font pas d’heures supplémentaires.

J-J B : Alors comment revaloriser le traitement des fonctionnaires alors que la croissance est molle, que l’Etat est de plus en plus endeté, que les entreprises dans le privé éprouvent les pires difficultés ?

F C : Déjà, on ne va pas faire croire aux fonctionnaires qu’en supprimant des emplois on va augmenter les salaires, ce n’est pas du même niveau financier. Je ne crois pas au donnant donnant, il n’est pas possible. Ce que l’on souhaite c’est que l’on se pose enfin les questions de savoir ce que l’on attend réellement de la fonction publique, de ce dont ont besoin les fonctionnaires, pour ensuite définir le nombre de fonctionnaires dont on a besoin pour répondre aux missions et leur rémunération. On voudrait faire en sorte que le même fonctionnaire ne reste pas coincé toute sa vie dans le même emploi, qu’il ait la possibilité, en changeant de fonction publique, d’avoir une activité plus libre et intéressante. Il faut donner de la souplesse aux statuts pour redonner une dynamique et une réjouissance au travail.

La rédaction-Bourdin & Co