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Députés frondeurs, abstentions: comment Valls va pouvoir gouverner

Manuel Valls mardi à l'Assemblée, après sa présentation du plan d'économies de 50 milliards d'euros.

Manuel Valls mardi à l'Assemblée, après sa présentation du plan d'économies de 50 milliards d'euros. - -

Le Premier ministre a fait face ces dernières semaines à un vif mécontentement d'un certain nombre de députés PS, dont 41 se sont abstenus, mardi, lors du vote du plan d'économies. Le début d'un divorce entre l'exécutif et les députés de la majorité?

Le vote du plan d'économies devait être "un moment de vérité". Mardi, Manuel Valls a vécu un second vote de confiance en faisant voter les députés sur son plan. Le résultat retient l'attention: sur 67 abstentions, 41 sont venues du camp socialiste.

Même si, au lendemain du scrutin, Manuel Valls estime que le vote lui "donne de la force", le Premier ministre voit sa marge de manœuvre sévèrement rétrécie. Europe Ecologie-Les Verts a durci son discours, tout comme le Parti communiste. Et les dernières semaines ont vu se dessiner un bloc de "frondeurs" désormais bien décidés à exister hors de l'ombre du Premier ministre, qui pourrait vivre une seconde moitié de quinquennat difficile. La confiance avec les députés est-elle perdue? Comment Manuel Valls va-t-il continuer à appliquer la politique de François Hollande? Tour d'horizon des scénarios potentiels.

> La "guérilla parlementaire"

"On peut imaginer que si un petit groupe fait bloc contre le plan d'économies, il fera aussi bloc contre le vote du budget, en juin prochain, et pour tous les prochains textes économiques", analyse Gérard Grunberg, spécialiste du PS au Cevipof, le centre de recherches de Sciences Po.

Pour faire voter les prochains textes, "il lui faudra trouver une majorité à chaque fois. Ça va être une guérilla parlementaire, d'autant que le président n'a plus beaucoup d'autorité, et que Valls n'a pas de lien avec sa majorité: il n'y a pas d'empathie, pas de complicité", poursuit Gérard Grunberg.

Une vision que nuance le député Yann Galut: "L'idée n'est pas de mettre le gouvernement en difficulté à chaque fois! Mais nous voulons exister et être entendus sur nos contre-propositions", explique-t-il à BFMTV.com. Pour lui qui faisait partie des députés à l'origine de scénarios alternatifs au plan de Manuel Valls, le Premier ministre "est assez fin politique pour avoir reçu l'avertissement qui a été envoyé hier", lors du vote. "Je pense qu'il a compris". Mais il constate également que le scrutin de mardi ouvre "une nouvelle relation de confiance entre la majorité et Manuel Valls".

> Le centre, un allié potentiel?

Le Premier ministre pourrait donc être amené à négocier avec sa propre majorité. A moins qu'il ne préfère chercher d'autres alliés? Mardi, l'UDI, menée par Philippe Vigier à l'Assemblée, s'est abstenue au lieu de voter contre le plan d'économies, comme l'UMP. "Vous avez en face de vous une opposition constructive qui fait preuve, à votre égard, d'une exigence bienveillante", a souligné Philippe Vigier mardi, en s'adressant à Manuel Valls.

Manuel Valls pourrait-il se diriger vers un scénario à la Rocard? Entre 1988 et 1991, faute d'une majorité à gauche, le Premier ministre de François Mitterrand avait dû constituer une alliance entre le centre gauche (PS-MRG) et une partie du centre droit (UDC) pour disposer d'une majorité de députés à l'Assemblée.

Il se trouve que l'UDI demeure peu sensible à un tel scénario. Le secrétaire général de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, a déjà prévenu que son parti n'était "pas prêt à être la roue de secours du gouvernement". Les élections régionales et cantonales arrivant à grand pas en 2015, il est aussi possible que le centre se retourne vers sa droite.

> L'ombre de la dissolution

En mal d'autorité, Manuel Valls pourrait aussi brandir la menace d'une dissolution de l'Assemblée nationale: une façon pour le moins brutale de forcer les frondeurs à rentrer dans le rang. "Cette décision vient d'abord du président", rappelle Gérard Grunberg. Or, le chef de l'Etat ne semble pas prêt à recourir à cet argument: "François Hollande partirait avec l’eau du bain", explique un député à Libération.

L'exécutif comme les parlementaires semblent réaliser que cette hypothèse n'est pas la bonne. "Manuel Valls sait très bien que s'il y avait dissolution, il reviendrait avec 50 députés", conclut Gérard Grunberg. "Et cela, personne ne lui pardonnerait…"

Ariane Kujawski