Front national: une rupture familiale et politique sans précédent

Jean-Marie Le Pen a été suspendu du Front national après des propos polémiques. - Jeff Pachoud - AFP
Le psychodrame familial au Front national n'en finit plus de rebondir. Après la suspension de Jean-Marie Le Pen lundi soir par le bureau exécutif du parti, celui-ci a crié à la "félonie" et demandé à sa benjamine de lui "rendre son nom". "Cette outrance montre qu'il n'y avait pas d'autre solution" que le suspendre, a réagi Marine Le Pen mardi sur Europe 1. Une rupture par médias interposés très violente et inédite en politique française, analyse Jean-Baptiste Forray, auteur du livres Les barons - Ces élus qui osent tout (éditions Flammarion).
Les ruptures familiales en politique sont-elles courantes dans la vie politique française?
Les conflits familiaux sont assez rares en politique et moins nombreux que dans le milieu des affaires. L'obstacle du suffrage universel fait qu'on ne peut pas se transmettre la charge comme dans une entreprise. Le cas du Front national est un cas assez unique parce que les enjeux sont forts et concernent des gens, en particulier Jean-Marie Le Pen, qui ne vivent que de la politique depuis des années.
"En plus d'un conflit politique il s'agit d'un conflit d'héritage et de transmission."
Qu'est-ce qui peut expliquer que malgré les liens de famille, le conflit explose au sein du Front national?
Il y a toujours eu des guerres de chapelles très sanglantes qui reposent sur le modèle du parti. C'est depuis toujours une PME familiale. Il y a les Le Pen, bien sûr mais autour d'eux, il y a toujours eu des couples de familles et des couples très puissants. Les Stirbois, le couple Mégret, les Bompard qui ont ou ont eu une influence importante au sein du parti.
Le Front national pratique finalement une sorte de "regroupement familial" depuis des années. Le parti repose sur une forme d'organisation clanique qui explique peut-être la violence des conflits. Pour moi cela tient aussi aux racines extrémistes du parti. Lorsqu'un désaccord éclate, c'est extrême aussi.
Y-a-t-il des précédents d'un tel conflit familial dans la vie politique française?
Rien d'aussi spectaculaire, mais en terme de conflit politique père-fille, on peut faire un parallèle très clair avec la famille Ceccaldi-Raynaud à Puteaux*. Il y a ce même enjeu d'héritage et la même transmission de flambeau très tardive avec le père qui passe la main tout en gardant un pied dans la politique. Charles Ceccaldi avait gardé la présidence de l'office HLM tandis que sa fille avait repris la mairie de la ville. Jean-Marie Le Pen, lui, a laissé sa fille à la tête du FN mais n'est jamais parti en gardant la présidence d'honneur.
"Dans les deux cas, c'est une histoire de transmission d'héritage d'un père à sa fille mais qui n'accepte pas de raccrocher."
Mais dans la vie politique française, il y a assez peu de conflits père-fille. Parmi les conflits ouverts en famille il y a Bernadette et Claude Chirac. Il est de notoriété publique que leurs relations sont tendues. Et sur le plan politique, dès qu'elle le peut, Bernadette affiche son soutien à Nicolas Sarkozy quand la fille supporte Alain Juppé. Concernant les couples, Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé qui étaient ensemble dans les années 2000 entretiennent aujourd'hui ouvertement des relations orageuses. Sur cet aspect, Europe Ecologie Les Verts est un peu comme le FN un agrégat de PME familiales.
*Charles Ceccaldi Raynaud maire de Puteaux pendant 35 ans a laissé sa place à sa fille en 2004, en cours de mandat. En 2008, lors des élections municipales il avait voulu reprendre sa place et s'était présenté contre Joëlle Ceccaldi-Raynaud qui avait remporté l'élection. Depuis les deux s'écharpent, le père clame qu'il a "fait la carrière politique de sa fille".