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Législatives: après "l'électrochoc" de la présidentielle, le "coup de force" de Mélenchon avec la Nupes

L'insoumis Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting de la Nupes, la Nouvelle union populaire écologique et sociale, à Paris, le 1er juin 2022.

L'insoumis Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting de la Nupes, la Nouvelle union populaire écologique et sociale, à Paris, le 1er juin 2022. - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Après la présidentielle, qui a été marquée par le faible score du PS, PCF et d'EELV et Jean-Luc Mélenchon qui est arrivé troisième, un accord a été noué à gauche en vue des législatives. Ce dimanche, la Nupes a récolté 25,66%, quasi à égalité avec la coalition présidentielle Ensemble.

On ne voit pas encore le "V" de la victoire, devenu depuis signe de ralliement, mais le cliché immortalise une journée que d'aucuns qualifient "d'historique". Ce samedi 7 mai à Aubervilliers, dans la petite couronne parisienne, les grandes familles qui composent la gauche sont toutes présentes - à l'exception des trotskistes du NPA et de Lutte ouvrière - pour célébrer l'alliance fraîchement scellée.

Après le Front populaire en 1936, le Programme commun en 1972 et la Gauche plurielle en 1997 qui a mené Lionel Jospin à Matignon, la Nouvelle union populaire, écologiste et sociale (Nupes) a vu le jour le 5 mai dernier, au terme de tractations ardues menées en vue des législatives des 12 et 19 juin.

Ces candidatures uniques, dans la quasi-totalité des circonscriptions, ont récolté ce dimanche 25,66% des voix au premier tour, au coude-à-coude avec la coalition présidentielle Ensemble (25,75%), selon les résultats complets du ministère de l'Intérieur.

"Étonné que ce se soit fait si vite"

"On a réussi à faire en treize jours quelque chose qu'on n'avait pas réussi à faire dans les vingt dernières années", saluait Antoine Léaument, proche de Jean-Luc Mélenchon, quelques jours avant le premier tour.

"Je suis étonné que ce se soit fait si vite", ajoutait-il d'ailleurs, pointant "une excellente chose". Candidat Nupes dans le 10e circonscription de l'Essonne, il s'est qualifié au second tour ce dimanche.

Candidate à sa réélection dans la 2e circonscription du Puy-de-Dôme, la socialiste Christine Pirès-Beaune porte elle aussi les couleurs de la Nupes. "Les gens qu'on rencontre disent 'enfin'", confiait-elle jeudi. "'Vous auriez dû le faire avant', ça revient tout le temps", selon la parlementaire, qualifiée au second tour.

"Il y avait une forte attente des électeurs de gauche qui prônent depuis longtemps l'union de la gauche", corroborait en amont du premier tour Hubert Julien-Laferrière, député Génération écologie du Rhône, qualifié au second tour sous l'étiquette Nupes dans la 2e circonscription du Rhône. D'ailleurs, "même Génération écologie, pourtant parti très indépendant sur l'écologie, y était favorable", dit-il.

"Coup de semonce" de la présidentielle

En dépit d'appels à l'union de la gauche en vue de la présidentielle, comme avec l'initiative citoyenne de la Primaire populaire, les tentatives étaient restées vaines jusqu'ici. Comment expliquer que cette fois-ci, les desiderata aient abouti à un rassemblement véritable?

"Il y a eu l'électrochoc de la présidentielle, qui montre que séparés on fait gagner l'adversaire, et rassemblés on aurait pu gagner", analysait ces derniers jours Sébastien Jumel, député communiste de la 6e circonscription de Seine-Maritime, candidat à sa réélection avec la Nupes et qualifié au second tour.

Christine Pirès-Beaune elle parle de "coup de semonce", pointe les "scores ridicules des partis traditionnels". Pour la Puydômoise, "les électeurs de gauche ont dit stop" et "lancé un sévère avertissement pour les législatives".

Au premier tour de la présidentielle, la socialiste Anne Hidalgo n'a obtenu que 1,75% des voix, l'écologiste Yannick Jadot 4,63% et le communiste Fabien Roussel 2,28%. Seul l'insoumis Jean-Luc Mélenchon a tiré son épingle du jeu, récoltant 21,95% des suffrages et se plaçant en queue du trio de tête après Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Dont acte. LFI appelle à jeter des ponts, en omettant dans un premier temps d'écrire au PS. Sur BFMTV, deux jours après les résultats du second tour, Jean-Luc Mélenchon exhorte les Français à "(l')élire Premier ministre".

"Ne cultivez pas les rancœurs, pas de règlement de comptes, pas de vengeance, pas d'acrimonie, rassemblez-vous", prêche le leader insoumis. Le PS fait un pas vers LFI, les jalons du rassemblement sont posés.

Le 2 mai, un terrain d'entente est trouvé entre LFI et EELV, le lendemain avec le PCF, puis le 5 mai avec le PS. Le chef des négociateurs socialistes, Pierre Jouvet, salue un "rassemblement historique", attendu par "les Français désespérés de cette désunion", selon le militant, candidat Nupes dans la 4e circonscription de la Drôme et également qualifié au second tour. À gauche, on se félicite en chœur de la décision du PS. L'union est scellée, avec pour figure de proue Jean-Luc Mélenchon.

S'unir sans gommer les désaccords

"L'écart entre le score des Verts, du PC, du PS et de LFI fait que naturellement le mieux placé pour emmener la gauche était Jean-Luc Mélenchon", estime Christine Pirès-Beaune. "Naturel", c'est aussi ce que juge le communiste Sébastien Jumel, qui avait soutenu l'insoumis à la présidentielle, en dépit de la stratégie nationale de la place du Colonel-Fabien. Au vu des scores du premier tour, le "pôle de gravité devenait évident", pour Antoine Léaument.

"Tout ça s'est quand même fait dans la douleur", souligne Christine Pirès-Beaune, en référence à la déroute de la gauche à la présidentielle.

Il n'empêche qu'initialement, une telle union ne semblait guère évidente, voire vouée à l'échec tant les critiques ont fusé à l'occasion de la campagne présidentielle, Anne Hidalgo comme Yannick Jadot, tançant vertement Jean-Luc Mélenchon. La socialiste voyait en lui "une impasse", quand l'eurodéputé écologiste pointait les "complaisances et (la) capitulation" du député des Bouches-du-Rhône vis-à-vis du régime de Vladimir Poutine.

La question européenne aurait aussi pu faire échouer l'accord, tant LFI, PS et EELV ont des considérations différentes. Finalement, le programme prévoit ceci: "Il nous faudra être prêts à ne pas respecter certaines règles" en matière européenne, peut-on lire.

Les désaccords entre ces différents partis, l'union ne les a pas gommés. "On a acté nos accords, ça n'enterre pas nos désaccords", assume Christine Pirès-Beaune. "Tout le monde a mis de l'eau dans son vin", selon elle.

"L'accord, il se fait certes dans des circonscriptions, mais surtout autour d'un programme", tempère Antoine Léaument. "Ça fait longtemps que la gauche n'avait pas pris la décision de mettre l'accent sur ce qui nous rassemble", se réjouit Sébastien Jumel, qui voit d'ailleurs dans les désaccords subsistants un fait qui "crédibilise" l'union. "L'important, c'est de ne pas faire semblant", pose le communiste.

Pour illustrer les convergences, Christine Pirès-Beaune indique que 74% de ses votes de la précédente législature étaient similaires à ceux de LFI et 81% au PCF. Au PS toutefois, la Nupes a fait grincer des dents à certains. L'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve a claqué la porte du parti, la présidente de la région Occitanie Carole Delga a présenté des candidats dissidents. Des initiatives locales qui n'ont semble-t-il pas fragilisé l'édifice national.

Future première force d'opposition?

Alliance purement électorale ou qui a vocation à perdurer? L'avenir de la Nupes sera scrutée, en particulier sa capacité à rester unie durant la mandature à venir. "On siégera certes dans des groupes (séparés) mais aussi dans un intergroupe", indique Antoine Léaument.

D'après les projections réalisé pour Elabe pour BFMTV-RMC et L'Express avec SFR, Ensemble pourrait rafler entre 260 à 295 sièges, contre 160 à 210 pour la Nupes, qui pourrait devenir la première force d'opposition le 19 juin au soir.

Vendredi, Hubert Julien-Laferrière pointait d'ores et déjà "un coup de force politique, en ce sens où on peut penser qu'Emmanuel Macron ne s'attendait pas à ça. Qu'il comptait peut-être sur nos divisions".

Surprise ou non par l'alliance à gauche, la macronie, et notamment Emmanuel Macron, ont décoché plusieurs flèches en direction de Jean-Luc Mélenchon dans les dernières heures de la campagne. Une alliance qui n'a pas laissé la majorité indifférente.

Clarisse Martin et Hortense de Montalivet