18-Juin: toute la classe politique se réclame du général de Gaulle

Marine Le Pen sur l'île de Sein. - Damien MEYER / AFP
"On entre dans un mort comme dans un moulin", ironisait Jean-Paul Sartre à l'heure de préfacer sa somme autobiographique sur Gustave Flaubert. Le constat vaut, au centuple, pour celui qui lui avait donné du "cher maître" en 1966: Charles de Gaulle.
En effet, l'ensemble de la classe politique qui, de son vivant, lui trouvait plus de travers que de vertus, fait désormais état de sa déférence envers le général de Gaulle. Ou plutôt "le Général", car partisans et thuriféraires de l'ancien chef de l'État aiment à remplacer son nom par cette antonomase comme si ce grade n'appartenait plus qu'à lui seul.
Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon...
Emmanuel Macron cite de temps à autres, comme tous ses prédécesseurs élyséens, celui qui a créé le rôle qu'il a repris depuis 2017: le costume imposant de président de la Ve République. La droite "LR" continue à voir en lui sa figure non seulement fondatrice mais tutélaire.
Jean-Luc Mélenchon lui-même témoigne à l'occasion de son admiration. Bien qu'en promoteur de la VIe République, il ferraille contre un régime qu'il considère taillé pour les dimensions hors norme de l'homme du 18-juin plutôt que pour le commun des mortels.
Les "gaulliens" et les "gaullistes"
Marine Le Pen, qui se dit désormais "gaullienne mais pas gaulliste", a d'ailleurs voulu célébrer la date de l'Appel en se rendant la veille sur l'île de Sein, qui avait fourni un gros contingent de "Français libres" au début de l'été 1940. Mais, héritière d'un lignage politique très antigaulliste, composé à l'origine des anciens collaborateurs émargeant à la formation politique d'extrême droite Ordre Nouveau et des zélateurs de l'Algérie française, sa mue peine à convaincre.
Ce mercredi, elle a ainsi dû écourter sa visite sur l'île de Sein, y essuyer huées et railleries, tandis que la gerbe de fleurs déposée au pied du monument aux Forces navales françaises libres n'a pas survécu à son passage-éclair.
"L'imposture" des prétendus gaullistes?
Devant nos caméras, les responsables politiques ont défilé afin d'inscrire leurs pas dans la foulée de l'officier défunt. Sébastien Chenu, député du Rassemblement national, a ainsi affirmé: "Aujourd’hui, nous sommes probablement ceux qui avons le plus de points communs dans le discours que nous proposons avec la vision que le Général avait de la France."
Son collègue de l'Assemblée nationale Jean-Baptiste Moreau, élu de la République en marche cette fois, Jean-Baptiste Moreau, a toutefois taclé: "L’extrême droite a toujours été le pire ennemi du général de Gaulle".
Le député insoumis élu dans le Nord, Adrien Quatennens, a assuré: "'On a dit parfois en parlant de Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il parlait de l’indépendantisme français qu’il avait des accents gaulliens". Damien Abad, président du groupe parlementaire des Républicains, a contré: "Quand on est un vrai gaulliste, on ne le dit pas, on le fait et on l’incarne".
Jean-Christophe Lagarde, député élu en Seine-Saint-Denis, issu de la version giscardienne de la droite, non-gaulliste, a avancé: "Tous ces gens qui se prétendent gaullistes relèvent de l’imposture." Nicolas Dupont-Aignan, qui dirige Debout la France, a asséné: "C’est l’hommage du vice à la vertu."
"Tout le monde peut s'y rattacher"
Jérémy Brossard, rédacteur en chef-adjoint du service politique de BFMTV a expliqué cet étonnant succès post-mortem. "De Gaulle, c’est la France résistante, non-alignée, le gaullisme social, la Ve République étatiste et souverainiste, européen et libéral, tout le monde peut se reconnaître en lui. André Malraux disait d’ailleurs que tout le monde a été ou sera d’ailleurs gaulliste."
Sur notre antenne ce jeudi, Yves de Gaulle, petit-fils du Général, a glissé: "La grandeur du général de Gaulle, et de son action, fait qu’il a créé une sorte d’œcuménisme auquel tout le monde peut se rattacher." Il a alors enchaîné:
"Certains sont plus légitimes que d’autres, c’est clair. Je n’attacherai pas beaucoup d’importance aux déclarations de Marine Le Pen, tout ça est dérisoire. Elle appartient à une famille politique qui a voulu assassiner le général de Gaulle et qui est caractérisée par la capitulation, le repli sur soi, l’exclusion, des choses qui n’ont absolument rien à voir avec la vision que le Général avait de la République."
Le dernier totem
Jean-Louis Debré, ancien ministre de l'Intérieur, ancien président de l'Assemblée nationale, ancien président du Conseil constitutionnel, et fils de Michel Debré, l'un des pères de la constitution de la Ve République, est également intervenu: "Pour moi, De Gaulle appartient à l’Histoire, à la France. Il n’y a pas d’héritier si ce n’est la France. Je suis toujours un peu sceptique devant les entreprises de racolage politique."
"Je constate qu’il y a des ralliements qui me paraissent indécents, manquent de dignité. Ça sent le calcul politique, et ça ne me semble pas acceptable", a-t-il ajouté.
Il a d'ailleurs livré son analyse personnelle du phénomène:
"Lorsqu’on doute, on se tourne vers ce qui a été l’honneur de la France. Et l’honneur de la France ça été De Gaulle. Aujourd’hui, les idéologies sont mortes, il y a un exemple, une voix, un destin, un peuple qui grâce à De Gaulle a retrouvé son indépendance, sa souveraineté, une souveraineté ouverte sur les autres."
Ce jeudi, Emmanuel Macron doit rendre plusieurs hommages au général de Gaulle: après un discours dans la matinée au Musée de l'ordre de la Légion d'honneur, il doit s'exprimer au Mont-Valérien puis se déplacer à Londres, ville d'adoption d'un général de brigade spécialiste des blindés et éphémère sous-secrétaire d'État à la Guerre qui ne croyait pas à la défaite.