Saint-Sauvant, La Rochelle... À quoi s'attendre pour la nouvelle mobilisation contre les "mégabassines"

Entre 6.000 et 8.000 opposants aux "mégabassines" sont rassemblés depuis plusieurs jours au "Village de l'eau" à Melle, dans les Deux-Sèvres. Deux manifestations sont prévues dans le week-end, malgré l'interdiction des autorités.
Quinze mois après les violents affrontements à Sainte-Soline, l'épineuse question du partage de l'eau, notamment dans le cadre de l'irrigation pour les besoins de l'agriculture, continue de diviser.
Ces réserves dites de substitution, qui visent à stocker de l'eau puisée dans les nappes en hiver afin d'irriguer les cultures en été, sont pour leurs partisans une condition de survie face au changement climatique. À l'inverse, leurs détracteurs décrivent un "accaparement" de l'eau par l'agro-industrie et dénoncent une mesure de "court-terme" qui freine les démarches d'adaptation et de transition du monde agricole.
Village de l'eau et deux manifestations
Les événements sont organisés à l'appel notamment du collectif Bassines non merci (BNM) et du mouvement des Soulèvements de la Terre et soutenu par plus d'une centaine de structures comme Extinction Rébellion, l'union syndicale Solidaires et l'association altermondialiste Attac.
Le mot d'ordre: "Faire bassine arrière". Depuis mardi, des milliers de personnes convergent vers le "Village de l'eau", constitué à 15km seulement de Sainte-Soline, où le chantier d'une retenue d'eau avait donné lieu à des affrontements en mars 2023 entre opposants et forces de l'ordre. Des ateliers, débats et formations y sont organisés. L'AFP y a croisé ce jeudi la militante écologiste suédoise Greta Thunberg parmi les participants.
Deux manifestations sont prévues en points d'orgue de cette mobilisation: d'abord à Saint-Sauvant (Vienne), sur le site d'une future "bassine", ce vendredi, puis le lendemain à La Rochelle (Charente-Maritime).
"Une grande marche populaire et un convoi de vélos" se déroulera à Saint-Sauvant pour "arracher un moratoire" sur la construction des retenues d'eau. À La Rochelle, les organisateurs appellent "à prendre kayaks, paddles et autres bateaux gonflables" pour bloquer le port agro-industriel "dans une ambiance de carnaval" pour dénoncer les "méga-coopératives" céréalières qu'ils associent à la construction des "bassines".
Darmanin craint "des actes d'une très grande violence"
Les deux manifestations ont été interdites par les préfectures de la Vienne et de Charente-Maritime. Cette dernière craint que des manifestants n'investissent le centre-ville très touristique en cette période de vacances, faute de pouvoir approcher du port de commerce.
De son côté, la préfecture de la Vienne justifie sa décision par le fait que "les dernières manifestations non déclarées de ces mêmes organisateurs ont donné lieu à des débordements violents."
Selon les informations de BFMTV de source policière, il s'agit d'un "événement d'ampleur à haut risque" pour les forces de l'ordre et les autorités. Sur les 6.000 et 8.000 personnes, 600 à 1.000 manifestants "radicaux et violents" sont attendus dont environ 200 militants étrangers.
Ce lundi sur France info, Gérald Darmanin a dit craindre "des actes d'une très grande violence". Le ministre démissionnaire de l'Intérieur a par ailleurs indiqué que plus de 3.000 policiers et gendarmes sont mobilisés sur la semaine.
Selon la gendarmerie présente sur place, des contrôles ont déjà été effectués et quelques saisies ont été effectuées comme des marteaux, des couteaux ou des masques à gaz. On peut également remarquer des lunettes de ski, des casques de chantier et des casques de vélo. Selon le procureur de Niort, près de 1.100 objets ont été saisis ce vendredi à 6 heures auxquels il faut ajouter plus de 300 artifices et inflammables.
Des tensions entre et avec les agriculteurs
Les autorités n'excluent de fait pas une contre-mobilisation des agriculteurs favorables à la construction de mégabassines et des affrontements entre les deux cas sont possibles.
La "coordination anti-bassines (...) annonce une grande marche pour obtenir un moratoire et n'a pour intention de s'en prendre ni à des agriculteurs, ni à leurs fermes. Elle demande au préfet d'arrêter d'attiser les peurs et les tensions", ont réagi les Soulèvements de la Terre.
Un syndicat agricole, la Coordination rurale (CR), a de son côté appelé ses troupes de la Vienne, mais aussi de Dordogne et du Lot-et-Garonne, à venir défendre les fermes du territoire contre les "groupuscules écologistes".
Une centaine d'agriculteurs se sont rassemblés vendredi matin à proximité de Melle, où ils ont prévu de se rendre pour être reçus par le maire qui accueille le "Village de l'eau", selon la présidente nationale de la CR Véronique Le Floc'h.
Le sujet divise aussi les syndicats agricoles. La Confédération paysanne, qui participe au Village de l'eau, dénonce les "méga-bassines" comme une source d'inégalités dans l'accès à l'eau, tout en appelant au dialogue pour "sortir de l'impasse et de la confrontation destructrice".
Le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) a la même position, alors que la Coordination rurale soutient "tous les projets de retenues d'eau agricole pour faire face au changement climatique". Certains de ses membres ont été condamnés pour avoir construit une réserve sans autorisation dans le Lot-et-Garonne.