Pédophilie à l'école: une loi va obliger la Justice à transmettre les condamnations
Après les affaires de Villefontaine et d'Orgères sur de présumés actes de pédophilie perpétrés par des enseignants sur des élèves, la Justice et l'Education nationale s'interrogent sur les dysfonctionnements ayant conduit à laisser advenir ces actes graves. Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira, qui ont donné une conférence commune à Grenoble dans l'Isère lundi, ont d'abord rappelé avoir diligenté "dès le lendemain de l'affaire de Villefontaine" une "double inspection" de leurs services respectifs. Un travail dont elles présentent lundi un "rapport d'étape" avant un "rapport définitif qui sera présenté le 30 juin".
Auparavant, pendant une heure, les deux ministres s'étaient entretenues avec les parents des jeunes victimes de l'ex-directeur de l'école du Mas de la Raz, dans le collège Louis-Aragon, à Villefontaine.
A Orgères, une "information parcellaire" avait été transmise
Il apparaît que dans les deux dossiers, les parquets n'ont pas formellement avisé l'Education nationale, ni de poursuites, ni de condamnations, concernant les deux auteurs présumés des faits. En revanche, si à Villefontaine aucune information n'a été transmise, "une information partielle et orale avait été transmise en 2011 et en 2013" concernant un professeur d'éducation physique d'Orgères en Ille-et-Vilaine, expose Isabelle Roussel inspectrice générale de l'Education nationale.
Mais "ces informations n'ont pas été traitées et ne sont pas remontées jusqu'au recteur". "Parfois, les services ont pu avoir accès à une information parcellaire qui s'est perdue dans la nature", a aussi regretté la ministre de l'Education nationale.
Un projet de loi présenté le 1er juin
Quant à la circulaire qui impose aux parquets de transmettre ce type d'informations aux services de l'Education nationale, "il semble qu'elle ne suffise pas" a constaté Najat Vallaud-Belkacem. La ministre a indiqué qu'un projet de loi serait présenté le 1er juin pour inscrire cette transmission d'informations dans la loi. "Nous devons apporter une réponse claire pour que cela ne se reproduise plus", a-t-elle ajouté.
Mais si, rappelle Christiane Taubira, cette transmission ne pose aucune difficulté quant aux condamnations, les simples poursuites sont plus problématiques, car il faut conjuguer la protection des mineures avec les principes du droit que sont "la présomption d'innocence et le secret de l'instruction". Pour les plaintes et les simples enquêtes, le signalement sera laissé à la discrétion des magistrats, a expliqué la ministre de la Justice.
Un dispositif d'alerte informatisé et un "référent" justice
Ce projet de loi, a aussi expliqué la ministre de la Justice concernera tous les professionnels travaillant avec des enfants, les enseignants donc, mais aussi les encadrants des colonies de vacances ou des centres de loisirs. Un logiciel nommé Cassiopée déjà utilisé par les juridictions sera étendu à ces personnels afin de "signifier systématiquement qu’un mis en cause travaille au contact de mineurs et de rendre systématique l’information de son supérieur hiérarchique".
Un "référent justice" sera aussi institué au sein de chaque académie pour veiller au bon suivi de ces affaires.
Rappelons que le directeur d'école de Villefontaine a été mis en examen en mars pour des faits présumés de viol de onze élèves, qui auraient été commis entre décembre et mars. L'homme avait été condamné en 2008 à six mois de prison avec sursis pour détention d'images pédopornographiques, un jugement dont l'Education nationale n'avait pas été informée.
Après cette affaire, plusieurs cas de professeurs condamnés dans le passé ont été signalés à l'Éducation nationale, qui a vérifié auprès de la Justice si ces informations étaient avérées. Un professeur de sport dans un collège d'Orgères (Ille-et-Vilaine), près de Rennes, a ainsi été suspendu en avril.