Mort d'Yvan Colonna en prison: la commission d'enquête pointe les "défaillances", "inactions" et "erreurs" des autorités

Des personnes allument des bougies, le 2 mars 2023 devant la cathédrale d'Ajaccio, pour marquer le premier anniversaire de la mort d'Yvan Colonna - Pascal POCHARD-CASABIANCA © 2019 AFP
Après six mois d'auditions, les conclusions sont tombées. Dans son rapport sur l'agression mortelle d'Yvan Colonna à la prison d'Arles en mars 2022, publié ce mardi, la commission d'enquête parlementaire pointe une série de "défaillances", d'"inactions" et d'"erreurs" des autorités.
Dans son rapport, la commission émet 29 recommandations, réparties en trois axes: la "réforme impérieuse" du statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS), le "renforcement de la détection et de la surveillance des détenus radicalisés dangereux", et l'amélioration de la prise en charge de "ceux présentant des troubles psychiatriques".
Le 22 mars 2022, Yvan Colonna, qui purgeait une peine de réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, a été violemment agressé dans la salle de sport de la prison par Franck Elong Abé, un homme radicalisé de 36 ans condamné notamment dans un dossier terroriste. Le militant indépendantiste corse de 61 ans est décédé trois semaines plus tard. Franck Elong Abe a été mis en examen pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste. L'enquête judiciaire suit son cours.
Des "mansuétudes" pour Franck Elong Abé
Dans son rapport, la commission met en parallèle la "sévérité" du traitement carcéral imposé à Yvan Colonna - le refus de lever son statut de DPS malgré un "bon comportement", empêchant ainsi son transfert vers une prison corse - et les "mansuétudes" dont a au contraire bénéficié Franck Elong Abé, également DPS.
Ce dernier, aussi classé TIS (pour "terroriste islamiste") et notoirement radicalisé, était parti combattre auprès de talibans en Afghanistan au début des années 2010, et avait multiplié les incidents en prison.
Selon le rapport, le détenu, qui était atteint de troubles psychiatriques, n'aurait jamais dû être placé en détention classique et encore moins travailler, seul, au contact d'autres détenus. Le rapport parle sur ce point d'une série d'erreurs "manifestes" d'appréciation amenant à cette "prise de risque inconsidérée".
La prise en charge, prochain chantier pénitencier
Il souligne les défaillances locales en matière de sécurité et de surveillance, en partie dues aux manques de moyens, qui ont permis à Franck Elong Abé de s'en prendre violemment à Yvan Colonna pendant huit minutes sans être dérangé.
Parmi les recommandations, la commission suggère d'améliorer la coordination entre les différents services de renseignements, et de rendre obligatoire l'évaluation ou la réévaluation d'un détenu TIS avant son intégration en détention classique. Elle demande aussi que la prise en charge des troubles psychiatriques soit "le prochain chantier d'ampleur de l'administration pénitentiaire".
Le président de la commission Jean-Félix Acquaviva (député Liot de la Haute-Corse) et le rapporteur Laurent Marcangeli (député de la Corse-du-Sud, Horizons) tiendront une conférence de presse à l'Assemblée nationale, ce mardi à 17 heures.