Le Conseil constitutionnel annule le délit de consultation "habituelle" de sites jihadistes

Façade du Conseil constitutionnel. - AFP
Le délit de consultation "habituelle" de sites jihadistes a été déclaré contraire à la Constitution, a annoncé vendredi le Conseil constitutionnel. Les Sages ont estimé que ce délit porte atteinte aux libertés fondamentales alors que la France était déjà dotée d'un arsenal législatif conséquent pour lutter contre le terrorisme et la consultation de sites illicites.
Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été déposée sur ce délit dans le cadre du procès d'un Angevin condamné à deux ans de prison pour avoir consulté régulièrement des sites jihadistes. La QPC interrogeait sur la définition de "la notion de consultation habituelle". Concernant la consultation de "bonne foi", la loi prévoyait une exception mais qui manquait de précision selon l'avocat du condamné.
Leur décision prend effet immédiatement, c'est-à-dire dès sa publication au Journal officiel.
Puni de deux ans de prison
Le délit prévu par l'article 412-2-5-2 du code pénal, créé par la loi du 3 juin 2016 "renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement", punit "de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende" le fait de "consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes".
Pour le Conseil constitutionnel, le délit n'implique pas, notamment, la preuve "de commettre des actes terroristes". Autre motivation avancée: le législateur a également exclu de "la pénalisation de la consultation effectuée de 'bonne foi'" et "résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice".
"Présomption d'intention criminelle"
Des garde-fous insuffisants pour les requérants. Me Sami Khankan, qui a soulevé la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au nom d'un client comparaissant pour ce délit devant le tribunal d'Angers, avait dénonce l'inégalité des citoyens devant ce texte "très vague", qui obligeait en outre le citoyen lui-même à prouver sa bonne foi. Intervenant pour la Ligue des droits de l'Homme, Me François Sureau s'était étonné de voir, pour la première fois en France, "naître la présomption d'une intention criminelle" d'une "démarche purement cognitive".
Le Conseil constitutionnel a entendu ces arguments, relevant lui-même que si le législateur avait "exclu la pénalisation de la consultation effectuée de bonne foi, les travaux parlementaires ne permettent pas de déterminer la portée que la législateur a entendu attribuer à cette exemption".