E.coli dans des pizzas Buitoni: la justice a-t-elle trop tardé à enquêter?

Détail de la façade de l'usine Buitoni de Caudry, dans le Nord, le 1er avril 2022 - FRANCOIS LO PRESTI © 2019 AFP
Deux mois après le premier rappel des produits par Buitoni, le parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une information judiciaire. Un délai trop long pour les familles des victimes présumées, qui dénoncent "un fiasco judiciaire". "Il a fallu attendre deux mois pour l'ouverture d'une enquête, trois mois pour que les perquisitions interviennent et quatre mois en réalité pour qu'un juge d'instruction soit désigné dans cette affaire", estime Me Pierre Debuisson.
Le 12 mars dernier, l'agence Santé publique France annonçait que la recrudescence des contaminations graves à la bactérie E.coli, depuis quelques semaines, avait causé la mort de deux enfants. 50 cas confirmés étaient alors identifiés. Aujourd'hui, ce nombre s'élève à 56, sans qu'un lien direct de causalité entre la consommation de pizzas et la consommation n'ait été établi.
Buitoni, informé de la présence de cette bactérie dans sa gamme de pizza Fraich'up, avait procédé, le 18 mars, à un rappel des produits. Depuis, les gammes "Four à Pierre" et "Bella Napoli" sont dans le viseur des consommateurs. Des plaintes ont été déposées. Et au début du mois d'avril, le préfet du Nord avait interdit par un arrêté préfectoral la production de pizzas au sein d'une usine dans le département après "deux inspections d'hygiène approfondies".
Une enquête ouverte en mars
Dès le mois de mars, la justice s'est penchée sur cette affaire. Dès le 22 mars, une enquête préliminaire était ouverte pour "homicide involontaire", "blessures involontaires", "tromperie sur une marchandise", "exposition ou vente de produits alimentaires corrompus ou falsifiés et nuisibles pour la santé", "mise sur le marché d'un produit préjudiciable à la santé" et "mise en danger d'autrui".
Les investigations étaient confiées aux gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp). Sous la houlette d'un magistrat du pôle Santé du parquet, spécialisé dans les affaires de santé publique, de Paris, des perquisitions étaient menées le 13 avril dernier à l'usine Buitoni de Caudry, dans le Nord.
"Pour que la justice soit efficace, il fallait qu'elle soit rapide, je pense notamment aux perquisitions qui étaient essentielles, il fallait faire des saisies de documents d'ordinateurs au siège social de Nestlé, il fallait les faire immédiatement (...) et c'est un véritable problème pour la manifestation de la vérité", ne décolère pas Me Debuisson.
Des plaintes à vérifier
Dans le même temps, le parquet de Paris a continué à recevoir des plaintes. Des plaintes qu'il faut examiner. D'autres étaient déposées dans des parquets locaux. À chaque fois, les premières investigations sont menées localement, il est notamment vérifié que les plaignants ont consommé des pizzas incriminées et ont été victimes de la bactérie E.coli. Si tel est le cas, ils se dessaisissent au profit du pôle Santé publique du parquet de Paris.
Le parquet de Paris a ainsi fait le choix de garder ce dossier dans le cadre d'une enquête préliminaire avant d'ouvrir une information judiciaire. Ainsi, les premières plaintes ont été gérées par un magistrat spécialisé dans les affaires de santé publique. Cela a également laissé le temps de faire "remonter" les plaintes déposées localement. Enfin, le juge d'instruction qui vient d'être nommé, et qui vient de se voir confier un dossier tentaculaire, dispose de premiers éléments d'enquête.
De nouvelles perquisitions à venir
Le changement de cadre procédural, d'une enquête préliminaire conduite par le parquet à une information judiciaire menée par un juge d'instruction, n'a que peu de conséquences sur la manière dont les investigations vont être conduites. D'ailleurs, le service d'enquête des gendarmes de l'Oclaesp est toujours en charge de mener les actes de procédure. D'autres perquisitions devraient être menées dans les prochaines semaines et les éléments déjà saisis doivent encore être analysés.
Aujourd'hui, les autorités enquêtent sur 15 cas, un cas d'homicide involontaire et 14 cas de blessures involontaires. Un chiffre amené à évoluer rapidement alors que des plaintes sont déposées "un peu partout en France", note auprès de BFMTV une source. À chaque fois que cela sera nécessaire, le parquet de Paris fera un réquisitoire supplétif pour que le juge d'instruction soit saisi de ces nouveaux cas.