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Police-Justice

Deux mois d'état d'urgence: le bilan en chiffres

Des policiers fouillent un suspect à l'occasion d'une perquisition en Seine-Saint-Denis.

Des policiers fouillent un suspect à l'occasion d'une perquisition en Seine-Saint-Denis. - Laurent Emmanuel - AFP

INFOGRAPHIE - Deux mois d'état d'urgence et près de 3.400 procédures d'exception plus tard, quel est le bilan? C'est la question que se pose la commission des lois de l'Assemblée nationale, chargée de contrôler l'usage que la police a fait des pouvoirs exceptionnels qui lui sont conférés. Voici les chiffres.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a débuté mercredi matin l'examen du projet de loi numérique et ses 600 amendements. Un peu plus tôt, cette commission présidée par le député PS Jean-Jacques Urvoas s'est penchée sur le bilan de deux mois d'état d'urgence. En lien avec le ministère de l'Intérieur et les préfectures, elle a chiffré la mise en place des mesures exceptionnelles, et livre les conclusions intermédiaires de son enquête, qu'elle poursuivra durant toute la durée de cet état d'exception. 

> Un arsenal employé de manière inégale

La mise en place de l'état d'urgence au lendemain des attaques de Paris a offert aux autorités un arsenal de treize outils différents afin de lutter contre le terrorisme. Ces mesures, qui suspendent certaines libertés aux citoyens, ont été très critiquées ces dernières semaines, jugées parfois abusives ou inefficaces.

La plus controversée, et la plus utilisée, est la perquisition administrative. Au 7 janvier, 3.021 perquisitions avaient déjà été effectuées. A la différence de la procédure pénale, la perquisition administrative est ordonnée par le préfet, se passe de la décision d'un juge et peut avoir lieu de jour comme de nuit. Voulant profiter de l'effet de surprise, les forces de l'ordre les ont organisées surtout pendant les premiers jours de l'état d'urgence: la première semaine, 907 ont été menées. 58,7% ont été menées pendant les deux premières semaines. Lors de l'état d'urgence proclamé en 2005, les autorités n'avaient procédé qu'à une seule perquisition administrative.

L'autre mesure d'exception controversée est l'assignation à résidence. Les cas emblématiques des militants écologistes qui ont fait l'objet d'une telle procédure a mis en cause sa légitimité: des personnalités telles que José Bové ont accusé l'Etat d'en faire des victimes politiques. Il y a eu 381 assignations, dont 53 ont été contestées devant le tribunal administratif. 

Ne sont représentées dans ce tableau que les données qui ont été communiquées, ce qui explique l'absence de certaines des treize mesures rendues possibles par l'état d'urgence.

> Une efficacité en question

Ces mesures d'exception doivent être accompagnées de résultats pour être acceptées par la population. Lors de ses vœux aux forces de sécurité le 7 janvier, François Hollande avait tenu à exprimer sa gratitude envers la police et la gendarmerie, pour leurs résultats à l'occasion des perquisitions administratives: 25 infractions liées au terrorisme y ont été relevées. Si le chef de l'Etat juge ces chiffres positifs, d'autres ne les interprètent pas de la même manière.

C'est là que surgit l'autre polémique: sur le nombre impressionnant des perquisitions administratives, combien ont mené à une action en justice contre le terrorisme? Quatre.

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Jean-Jacques Urvoas ne manque pas de rappeler, lors de la présentation de ce bilan, que l'emploi de ces mesures doit "toujours avoir un rapport avec la situation pour laquelle elles s'appliquent". Ici, la menace terroriste. Pourtant, comme il le souligne, la moitié a été motivée par une inscription au fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSTRP) qui regroupe des profils à "l'inégale dangerosité" et selon des objectifs "moins prioritaires". Les perquisitions ont, pour le reste, "très majoritairement concerné des infractions sur la législation des stupéfiants, des armes, et de droit commun".

Toutefois, le député précise que les perquisitions administratives n'ont pas été conçues pour "conduire systématiquement à la procédure judiciaire, elles ont pour objet de réunir des objets qui, croisés avec d'autres, sont de nature à prévenir un trouble à l'ordre public." 

> L'aval de la justice

La justice a montré à plusieurs niveaux son soutien aux procédures d'exception. Le Conseil constitutionnel a validé le 21 décembre le recours à l'état d'urgence et les mesures d'exceptions qui l'accompagnent, en particulier le régime de l'assignation à résidence. Mais même lorsque des recours parviennent au tribunal administratif, les jugements ne sont que rarement à la faveur du plaignant. 

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Selon les prefectures, l'essentiel est derrière nous: les principales cibles ont été "traitées", et celles qui restent sont maintenant préparées à cette éventualité. L'effet de surprise a disparu, donc le rythme des perquisitions s'affaiblit. Si la commission des lois estime que les mesures prises étaient "justifiées", elle rappelle qu'elles doivent être limitées au strict nécessaire, et menées avec la précision la plus extrême.