Ukraine: les bombardements à l'Est du pays marquent-ils les prémices d'une invasion russe?

Il flotte un parfum de poudre à Stanytsia Louhanska. Cette ville ukrainienne de 12.000 habitants a été bombardée à trois reprises depuis jeudi, très probablement par des séparatistes pro-Russes postés dans la région du Donbass. Jeudi matin, c'est une école qui était visée par des tirs, blessant deux institutrices. Jeudi soir, les assaillants ont visé un immeuble, avant de lancer une nouvelle salve de tirs ce vendredi matin.
La thèse de la provocation
À Kiev comme chez les Occidentaux, ces manœuvres inquiètent. Il n'est pas nouveau que des tirs soient entendus dans la région du Donbass. Depuis 2014, ce territoire, originellement ukrainien, est meurtri par une guerre civile, opposant notamment des soldats séparatistes pro-Russes aux forces loyalistes ukrainiennes.
Mais dans le contexte actuel de montée des tensions entre la Russie et l'Ukraine, marqué par les appels alarmistes de Washington mettant en garde contre une très probable invasion russe de son voisin, ces récents bombardements prennent une signification particulière, d'autant qu'ils s'intensifient. Et si Moscou, au travers des soldats pro-Russes du Donbass, tentait de provoquer Kiev afin d'obtenir une réaction militaire de sa part, justifiant ainsi une invasion du pays?
"C'est préoccupant, car la thèse d'une provocation a déjà été rendue publique par les États-Unis depuis plusieurs semaines. Affirmant que s'il y avait des provocations, cela pouvait entraîner des réactions en chaîne, de la part du Kremlin notamment", a déclaré sur le plateau de BFMTV Ulysse Gosset, éditorialiste politique internationale.
Kiev appelle à la retenue
Un piège dans lequel Kiev n'entend pas tomber pour l'instant. Ce matin, le ministre ukrainien de la Défense a affirmé que l'Ukraine n'avait pour l'instant pas l'intention de contre-attaquer, que ce soit les séparatistes pro-Russes ou la Russie. Appelant par là même à garder son sang-froid.
Néanmoins, les incidents semblables à ceux qu'a connu la ville de Stanytsia Louhanska se multiplient, 25 bombardements depuis une semaine. Les dirigeants occidentaux, dont Joe Biden et Emmanuel Macron, vont à nouveau se réunir en visioconférence cet après-midi, pour faire le point sur la situation.
Depuis Bruxelles ce vendredi, Emmanuel Macron a appelé à la "cessation" des actes militaires. "La situation est très préoccupante (...). Il y a eu des victimes", a indiqué le chef de l'État, appelant "à la fin des incidents".
Moscou, qui annonçait en début de semaine le début du retrait de ses troupes postées à sa frontière avec l'Ukraine, joue en réalité un jeu de dupes. Le pays continue de renforcer ses troupes dans la zone. Son contingent atteindrait désormais 129.000 hommes. S'ajoutant aux plusieurs dizaines de milliers de marins et soldats postés en mer d'Azov.
Le Kremlin constate une "aggravtion de la situation"
La population ukrainienne située près du front du Donbass est résignée, comme a pu le constater Clémence Dibout, envoyée spéciale de BFMTV sur place. À Izioum, localité de l'Est de l'Ukraine, les habitants, bien que russophones, se disent prêt à prendre les armes contre leur impressionnant voisin. À l'image de Tatiana, qui se dit inquiète pour ses enfants.
La langue parlée par les habitants de l'Est de l'Ukraine peut expliquer pourquoi le Kremlin chercherait à faire partir de cette région une escalade des tensions. Le maître du Kremlin met régulièrement en scène les habitants russophones de l'Ukraine, qu'il présente comme martyrisés par Kiev. Ce mardi, il indiquait qu'un "génocide" de la minorité russophone dans le Donbass était en cours. Et c'est en partie pour ces raisons qu'il avait justifié l'invasion de la Crimée en 2014, arguant que ses habitants souhaitaient appartenir à la Russie.
Le Kremlin ne semble donc pour l'instant pas être engagé dans une volonté de désescalade, mais plutôt dans une dynamique poussant à la guerre. Ce vendredi, Vladimir Poutine a affirmé qu'il constatait une "aggravation de la situation" dans l'Est de l'Ukraine. Justifiant son intervention?