Russie: l'ONG Memorial dans le viseur du Kremlin

Vladimir Poutine, le 14 octobre 2014, à Moscou. - Kirill Kudryavtsev - AFP
La Russie chercherait-elle à se débarrasser de certaines périodes de son histoire? Le ministère russe de la Justice a engagé des poursuites visant à dissoudre l'organisation de défense des droits de l'homme russe, Memorial.
Fondée en 1989 par d'anciens dissidents, notamment le prix Nobel de la paix Andreï Sakharov, Memorial lutte pour la sauvegarde de la mémoire des victimes de la répression soviétique et pour faire reconnaître l'existence des crimes staliniens, en effectuant un travail de documentation des faits et de comptage du nombre de morts. L'ONG a fait sien le combat contre l'arbitraire du pouvoir russe, payant parfois ce combat au prix du sang, comme en 2009 lorsque sa représentante en Tchétchénie, Natalia Estemirova, fut assassinée.
Memorial, "agent de l'étranger"
L'ONG est depuis quelques mois dans le viseur de Moscou, qui l'a enregistrée en juillet dernier en tant qu'"agent de l'étranger", dénomination utilisée en URSS pour qualifier les dissidents, accusés d'être à la solde de l'Occident.
Une loi votée en 2012 au moment du retour au Kremlin de Vladimir Poutine pour un troisième mandat oblige à s'inscrire sur un registre d'"agents de l'étranger" les organisations qui bénéficient de financements en provenance de l'étranger et sont considérées comme ayant des "activités politiques", un concept jugé très flou par les ONG.
La demande du ministère de la Justice doit être examinée le 13 novembre prochain par la Cour suprême de Russie. Selon le président de Memorial, Alexandre Tcherkassov, la justice russe considère l'organisation structurelle de l'ONG, qui possède des filiales dans plusieurs villes de Russie, comme "irrégulière". Une considération "absurde", estime-t-il.
"Le fait même que cette affaire existe est une insulte pour tous ceux qui, pendant ces vingt dernières années, ont fait le travail que l'Etat aurait dû faire", a dénoncé un autre membre de la direction de Memorial.
Vers un renforcement des pressions?
Si les poursuites aboutissent, les différents groupes de défense des droits de l'homme qui opèrent sous la tutelle de Memorial devront "s'enregistrer à nouveau" en tant qu'ONG auprès de l'Etat russe, une procédure fastidieuse et qui devrait renforcer les pressions exercées par le gouvernement. Pour Mikhaïl Fedotov, le chef du Conseil pour les droits de l'homme auprès du président russe, si la Cour suprême ordonne de dissoudre Memorial, cela sera "un sévère coup porté à l'image de la Russie".
La pression du gouvernement russe contre les rares organisations et médias d'opposition s'est renforcée ces derniers mois, avec en parallèle un nouveau tour de vis des autorités sur Internet visant notamment les blogs et les sites d'information d'opposition.