Mali : Tombouctou libérée, et après ?

Lundi les forces franco-maliennes ont pris position dans Tombouctou, dans le nord du Mali. Une victoire non sans importance pour le président Hollande pour qui l’armée française n’a pas vocation à rester au Mali, ce qui soulève quelques questions sur la sécurité des régions libérées.
Le président François Hollande s’est félicité lundi de la progression de forces franco-malienne dans le nord du pays reconnaissant une véritable avancée dans la lutte contre les djihadistes. « Nous sommes en train de gagner la bataille » au Mali, a-t-il ainsi déclaré après la prise de la ville millénaire de Tombouctou par le millier de soldats français participant aux opérations. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian estimait pour sa part lundi soir que la libération de Tombouctou n'était « pas tout à fait achevée » mais « en bonne voie ». Après un an de domination islamiste, la population s’est montrée soulagée et heureuse de voir enfin des forces armées qui, en plus de les libérer, n’ont pas totalement détruit la ville sous les bombardements préparant leur arrivée.
« La charia a traumatisé les populations »
« La ville de Tombouctou n’a pas été saccagée totalement physiquement, note Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), elle a été un peu bombardée par rapport aux derniers jours, mais elle l’a été surtout sur le plan des exactions qui ont été commises auprès des populations par l’instauration d’une charia extrêmement stricte. Les populations ont été traumatisées. L’armée française et l’armée malienne ont été accueillies avec énormément d’enthousiasme de la part de la population de Tombouctou ».
« Pas les moyens de pousser les islamistes dans leurs retranchements »
Désormais, il reste l'extrême Nord du pays à reconquérir. Ce sera maintenant aux Africains de prendre le relais pour aider le Mali à retrouver son intégrité territoriale, a déclaré François Hollande. Le chef de l'Etat, qui a répété que la France n'avait « pas vocation à rester au Mali », affirme qu'à terme, les Français ne seront là que pour encadrer et former l'armée malienne. Pourtant, pour les spécialistes, l’armée malienne n’est pas réellement prête à faire face à des combattants aguerris qui connaissent parfaitement le terrain. « Ils ont les moyens sans doute de sécuriser les trois grandes villes du nord que sont Gao, Tombouctou et Kidale, explique Michel Galy, politologue, professeur de relations internationales à l'Ileri (Institut libre des relations internationales) à Paris et spécialiste de l'Afrique de l'Ouest. Ils ont aussi les moyens de bloquer la descente des djihadistes vers Bamako la capitale. En revanche, les espaces désertiques entre les villes, cela va être nettement plus complexe. Ils n’ont certainement pas les moyens de pousser les islamistes dans leurs retranchements dans les montagnes du nord-est en particulier ».
« On ne voit pas la présence de la France comme une force d’occupation »
De leur côté, les maliens de France n’imaginent pas un retrait des troupes françaises qui sont perçues comme des forces libératrices et non d’occupation. « Il ne faut pas que l’armée française parte, confie au micro de RMC Bakari, qui vit dans un foyer de Montreuil en Seine-Saint-Denis qui accueille 400 des 10 000 maliens de la commune. La guerre n’est pas finie. Les islamistes sont partis mais on ne sait pas où. Il faut bien sécuriser les villes et après on verra mais on ne peut pas libérer un pays en dix jours seulement. On ne voit pas la présence de la France comme une occupation, l’armée peut rester et former nos soldats qui ne le sont pas : ils n’ont même pas de casques pour se protéger. Il faut leur donner des moyens, comme en Afghanistan où la France a formé les Afghans. C’est ce qu’il faut faire aussi au Mali ».
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