Les tensions entre Ankara et Damas s'aggravent

Patrouille turque dans la province du Hatay, à la frontière avec la Syrie. Ankara a prévenu mercredi que l'armée riposterait avec davantage de force à tout nouveau bombardement en provenance de Syrie. /Photo pris le 9 octobre 2012/REUTERS/Osman Orsal - -
par Nick Tattersall et Ece Toksabay
ISTANBUL (Reuters) - Les relations entre Ankara et Damas, déjà difficiles en raison des incidents transfrontaliers, se sont encore détériorées mercredi avec l'interception par l'armée de l'air turque d'un avion de ligne syrien soupçonné de transporter du matériel militaire.
Des avions de chasse ont reçu l'ordre de décoller pour escorter l'A-320, qui transportait une trentaine de passagers entre Moscou et Damas, lorsque les autorités ont obtenu des renseignements évoquant la présence à bord d'une cargaison "non civile".
"Nous sommes déterminés à contrôler les transferts d'armement à un régime qui commet de tels massacres parmi les civils. Il est inacceptable qu'un tel trafic passe par notre espace aérien", a déclaré le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, dans une allocution télévisée.
"Nous avons reçu aujourd'hui l'information que cet avion transportait une cargaison d'une nature qui pouvait ne pas être conforme aux règles de l'aviation", a poursuivi le ministre, selon lequel Ankara est en droit d'inspecter les avions soupçonnés de transporter des armes.
L'appareil dérouté vers Ankara sera autorisé à repartir si rien n'est découvert, a-t-il promis, soulignant que les autorités turques continueraient à inspecter les appareils syriens.
Ankara juge en outre que l'espace aérien syrien ne présente plus les garanties de sécurité nécessaires et invite les compagnies aériennes à ne plus l'emprunter, a ajouté le chef de la diplomatie. Un correspondant de Reuters à la frontière a vu un avion faire demi-tour vers la Turquie à l'approche de la frontière syrienne.
La Russie, d'où provenait l'appareil, est l'un des derniers appuis de Bachar al Assad sur la scène internationale.
"Une fois par semaine, un avion de la compagnie syrienne décolle de Moscou à destination de Damas. L'appareil a décollé normalement. Il n'y a pas eu d'incident", a déclaré une porte-parole de l'aéroport Vnoukovo, citée par Interfax.
Selon l'agence de presse russe, 25 personnes se trouvaient à bord. Il devait décoller à 15h06, mais a pris vingt minutes de retard, précise-t-elle.
L'armée turque a déployé récemment des renforts à la frontière syrienne et l'artillerie a bombardé depuis une semaine plusieurs positions des forces syrienne après des tirs de mortiers transfrontaliers, dont l'un a coûté la vie à cinq civils turcs le 3 octobre.
Elle ripostera avec davantage de force à tout nouveau bombardement en provenance du territoire syrien, a averti mercredi le chef d'état-major de l'armée turque.
"ASSAD N'A PAS TENU SES PROMESSES"
"Nous avons répondu mais, si cela continue, nous répondrons avec davantage de force", a assuré le général Necdet Ozel, cité par la chaîne de télévision publique. (voir )
Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a déclaré mardi que l'Alliance avait élaboré des plans pour "défendre" la Turquie. Il n'a pas fourni de détails, mais un haut responsable militaire américain a estimé que l'Otan réagirait probablement si la Turquie demandait son aide.
"Nous avons mis en garde Assad, nous lui avons rappelé les réformes qu'il devait mettre en place (...) malheureusement, le régime Assad n'a pas tenu ses promesses faites au monde et à son propre peuple", a quant à lui déploré le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan.
"Personne ne devrait s'attendre à ce que nous restions silencieux devant la répression violente des revendications légitimes du peuple", a-t-il ajouté.
En Syrie même, les rebelles syriens disent avoir repoussé une offensive des forces gouvernementales contre une ville stratégique au sud d'Alep.
De nombreux civils, en majorité des femmes et des enfants, ont franchi mercredi la frontière avec la Turquie, fuyant les combats à Azmarin et alentour avec l'aide d'habitants de la ville de Hacipasa, dans la province d'Hatay.
70 TUÉS MERCREDI
Des abris de fortune ont été construits par des médecins et des bénévoles de part et d'autre de la frontière pour y prodiguer les premiers soins.
Les grandes agglomérations telles que Homs, Alep et Damas, sont le théâtre de violents combats entre rebelles et forces loyalistes.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), organisation proche de l'opposition basée à Londres qui s'appuie sur un réseau d'informateurs en Syrie, a dénombré 70 morts mercredi. Parmi eux figurent six insurgés tués à Maarat al Nouman, une localité stratégique située sur l'axe Damas-Alep.
Les rebelles ont annoncé mardi s'être emparés de cette ville après 48 heures de combats et disent avoir repoussé mercredi une contre-offensive. Les combats ont coûté la vie à 30 rebelles au moins et à de nombreux soldats loyalistes, ont-ils ajouté.
Située à 75 km au sud d'Alep, Maarat al Nouman a été fondée dans l'Antiquité. Elle abrite un musée de mosaïques réputé et la tombe d'Abou Ala al Maari, poète arabe du XIe siècle.
Au sein de l'opposition, on juge que la prise de cette ville menace les lignes de ravitaillement des forces gouvernementales engagées depuis août à Alep, la capitale économique.
Avec Seda Sezer à Istanbul, Gulsen Solaker à Ankara, Jonathon Burch à Hatay, Thomas Grove à Moscou et Khaled Yacoub Oweis à Amman, Agathe Machecourt, Jean-Loup Fiévet, Bertrand Boucey, Pascal Liétout et Jean-Philippe Lefief pour le service français