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Le passé trouble du pape François

Le pape François en 1973, alors simple prêtre Bergoglio.

Le pape François en 1973, alors simple prêtre Bergoglio. - -

A peine devenu pape François, le cardinal Jorge Mario Bergoglio voit des pans de son passé ressurgir. Ses liens avec l'ancien régime dictatorial argentin restent notamment obscurs.

A peine son nom était connu que déjà, des internautes et des journalistes se mettaient à fouiller les tréfonds du web et des archives papier pour exhumer son passé. Qui est Jorge Mario Bergoglio, devenu pape François mercredi?

Dans la presse, on évoque un homme aux goûts simples, à la personnalité austère, loin des penchants luxueux de certains prélats du Vatican. Un homme conscient des contingences terrestres, proche des pauvres et des prêtres qu'il dirige. Un Saint? Pas si sûr. Rapidement, des voix discordantes se sont élevées pour brosser un tout autre tableau.

> Un rôle trouble pendant la dictature argentine

Le soir même de l'élection du pape François, le grand hebdomadaire mexicain Proceso s'interrogeait sur ses liens avec la dictature militaire au pouvoir en Argentine entre 1976 et 1983. Ce régime a fait "disparaître" plus de 30.000 personnes selon la socio-anthropologue Martine Déotte, faisant régner la terreur par la torture, et reste très prégnant aujourd'hui dans les mémoires des Argentins. "Bien qu'il n'existe aucun document qui prouvent ses liens avec cette dictature, certaines victimes de la junte affirment sans conteste que Jorge Mario Bergoglio soutenait le régime", écrit Proceso.

Un épisode en particulier revient dans de nombreux articles, citant tous le livre El Silencio, écrit en 2005 par le journaliste argentin Horacio Verbitsky. Dans ce long travail d'enquête sur le rôle de l'Eglise durant les "années de plomb", le journaliste relate notamment l'enlèvement par le pouvoir de deux prêtres jésuites, Orlando Yorio et Francisco Jalics, alors placés sous l'autorité de Bergoglio.

Les deux jésuites seront torturés et portés "disparus" durant cinq mois, accusés par le régime de "subvertir l'ordre social". Bergoglio a-t-il délibérément fermé les yeux sur leur enlèvement? "Je suis sûr qu'il a lui-même fourni une liste avec nos noms", dira même Orlando Yorio en 1985 après sa libération. Jorge Mario Bergoglio, lui, a toujours nié une quelconque implication, affirmant au contraire qu'il avait aidé de nombreux opposants à fuir le pays.

> Une photo qui fait débat

Quelques heures à peine après l'élection du nouveau pape, une photo a fait le tour des réseaux sociaux dans le monde entier. On y voit un prêtre, de trois quart dos, donner la communion au général Videla, l'homme qui a régné sur l'Argentine durant les années de terreur. Aucune légende ne figure sur le cliché, en noir et blanc. En revanche, les internautes s'empressent de la faire circuler en affirmant qu'il s'agit de Jorge Mario Bergoglio bénissant le dictateur. Scandale. "Voilà, on y est", commente laconiquement le réalisateur américain Michael Moore sur Twitter.

Problème: l'homme en soutane blanche ne serait pas le pape. Prise le 30 décembre 1990 à Buenos Aires, la photo se trouve dans les archives de l'AFP, rapporte Rue89. La légende indique qu'il s'agit d'un "prêtre d'une église locale" de la capitale. Or, à la même époque, celui qui allait devenir pape était directeur spirituel à Cordoba, à 700 km de là. Autre détail troublant: en 1990, Bergoglio n'avait que 54 ans. Sur la photo, le responsable épiscopal, voûté, semble bien plus âgé. L'évidence des premières heures laisse désormais place au doute.

> Une vision conservatrice de la société

Discret et homme de peu de paroles, le pape François ne s'est cependant jamais caché de ses prises de positions conservatrices. En 2010, il condamnait fermement le gouvernement argentin pour avoir légalisé le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels, dans une lettre adressée aux responsables épiscopaux de Buenos Aires.

L'homosexualité "est une machination du Diable pour chercher à tromper l'esprit des enfants de Dieu", écrivait-il, comparant cette loi à "une guerre menée contre Dieu".

En septembre 2012, alors que le gouvernement argentin venait d'autoriser l'avortement en cas de viol, le cardinal Bergoglio publiait un communiqué sans équivoque, lisible ici en espagnol. L'homme de foi y écrivait notamment: "L'avortement n'est jamais une solution. (…) Cette loi va dans le sens d'une "culture de la mort". Devant cette décision lamentable, nous en appelons aux citoyens pour adopter des moyens de protéger la mère et son enfant quelle que soit la situation, en favorisant toujours le droit à la vie."


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Alexandra Gonzalez