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Emmanuel Macron et la Pologne: avis de tempête diplomatique

Emmanuel Macron, à Varna, en Bulgarie.

Emmanuel Macron, à Varna, en Bulgarie. - Dimitar DILKOFF / AFP

Ce vendredi, Emmanuel Macron, en déplacement en Bulgarie, a eu des mots très durs à l'égard de la Pologne après que ce pays a refusé de durcir la directive sur les travailleurs détachés. Les dirigeants polonais se sont indignés des propos du président de la République française.

A Varna, en Bulgarie, où il donnait un point-presse ce vendredi au cours de son déplacement, Emmanuel Macron n'y est pas allé par quatre chemins pour dire ce qu'il pensait du refus polonais de revoir la directive sur le travail détaché.

"Le peuple polonais mérite mieux que cela et la Première ministre aura beaucoup de mal à expliquer qu'il est bon de mal payer les Polonais"

Poursuivant sur sa lancée, il a creusé ce sillon: "La Pologne se met en marge" et "décide d'aller à l'encontre des intérêts européens sur de nombreux sujets". Plus offensif encore, il a évoqué les polémiques qui ont entouré certains projets de loi du gouvernement polonais.

Les réformes de la justice de ce dernier l'ont même exposé à des sanctions européennes.

"L'Europe s'est construite sur des libertés publiques qu'enfreint aujourd'hui la Pologne".

La Pologne outrée

Des charges que la Première ministre polonaise n'a pas goûtées. Beata Szydlo a dit le mal qu'elle en pensait ce même vendredi sur un site conservateur:

"Peut-être ses déclarations arrogantes sont-elles dues à son manque d'expérience et de pratique politique, ce que j'observe avec compréhension, mais j'attends qu'il rattrape rapidement ces lacunes et qu'il soit à l'avenir plus réservé".

S'adressant directement à Emmanuel Macron, la dirigeante l'a invité à ne pas se mêler des affaires polonaises.

"Je conseille à M. le président qu'il s'occupe des affaires de son pays, il réussira alors peut être à avoir les mêmes résultats économiques et le même niveau de sécurité de ses citoyens que ceux garantis par la Pologne"

Le chargé d'affaires ad interim de la République française en Pologne a été convoqué dans la journée au ministère des Affaires étrangères local où on lui a signifié "l'indignation" gouvernementale devant les propos d'Emmanuel Macron. Witold Waszczykowski, ministre polonais des Affaires étrangères, a d'ailleurs lui aussi réagi:

"Je me tiens ici aux côtés des ministres des Affaires étrangères de Turquie et de Roumanie et il y a peu j’ai dit au revoir au secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ce qui veut dire que la Pologne n’est pas isolée parce que nous avons été les hôtes de réunions importantes hier et aujourd’hui. Donc je pense que le président Macron ne suit pas attentivement les informations et ne sait pas ce qu’il se passe dans cette partie de l’Europe."

Le risque de "braquer" ses partenaires

Ce vendredi soir, sur BFMTV, Sylvain Courage, rédacteur en chef à L'Obs, a donné son point de vue sur ces échanges tendus:

"En Europe, Emmanuel Macron a tendance à être plus impérieux. Il a fait de la révision de cette directive sur le travail détaché sa croisade. Il est parti en tournée, et le fait de manière assez spectaculaire."

Mais pour le journaliste, le risque avec cette façon de faire est de se mettre son interlocuteur à dos:

"Cherche-t-il à renverser la table pour obtenir quelque chose? Cela va quand même être difficile parce que cette violence verbale qu’il y met braque un peu les oppositions. On le voit avec les Polonais."

Sylvain Courage distingue ainsi deux plans sur lesquels jouent les propos d'Emmanuel Macron: une communication destinée au public français, et un message à ses partenaires. Et ces deux registres ne devraient pas, selon lui, connaître un même succès:

"Aux yeux des Français, il apparaît comme un président qui défend les intérêts des travailleurs français (...). En communication, je pense que c’est plutôt efficace mais à moyen ou long terme, peut-être que l’objectif ne sera pas atteint."

"C'est un débat"

Laurent Joffrin, directeur de la publication de Libération, a lui tempéré l'ampleur de la crise et ses fondements.

"Ce n’est pas parce qu’on critique quelqu’un, qu’on est condescendant. On n’est pas d’accord, voilà. Les Français ne sont pas d’accord avec les Polonais, ça ne veut pas dire qu’ils ne les respectent pas. S’ils ne les respectaient pas, ils diraient : ‘la Pologne, on s’en fout ‘. Or, là, pas du tout, il y a un débat"

Selon lui, les règles de fonctionnement de l'Union européenne laissent espérer au président français d'avoir de toute façon gain de cause:

"Macron n’a donc pas été arrogant, il n’a pas dit : ‘c’est à prendre ou à laisser’. Il a dit : ‘Discutons, on va améliorer la directive, la rendre plus contraignante’. Et les Tchèques, les Slovaques et les Autrichiens ont donné leur accord. Dans l’Europe, il suffit d’une majorité qualifiée pour obtenir satisfaction."

Robin Verner