Comment les services secrets se débarrassent de leurs "traîtres"

Comment se débarrasser des espions ayant trahis la nation ? Chaque pays a sa propre méthode, de la prison ferme à l'exécution en passant par le rapt et l'empoisonnement.
À chaque régime ses punitions. Rapt, exécution, lourde peine de prison: le sort réservé aux agents doubles et aux "traîtres" varie en fonction de la nature des régimes bafoués et de leur besoin de faire des "exemples". Sans surprise, les régimes autoritaires ou totalitaires utilisent la manière forte: "On essaie de rappeler les agents considérés comme des traîtres et on les exécute. C'est arrivé à des centaines d'agents soviétiques", explique l'historien français Rémi Kauffer, spécialiste du monde du renseignement et auteur du livre "Les maîtres de l'espionnage" (éditions Perrin, 2017).
Parmi eux, Oleg Penkovsky. Ce colonel du renseignement militaire soviétique, qui a fourni de précieuses informations aux Occidentaux sur l'arsenal soviétique pendant la crise des missiles de Cuba, est arrêté en 1962, jugé puis exécuté, selon la rumeur en étant brûlé vivant dans un four: "On ne manque pas de le signaler aux jeunes recrues", raconte Rémi Kauffer, pour qui "la dureté des méthodes est fonction de la nécessité de maintenir une cohésion dans le pays et ses services ".
Les régimes démocratiques adeptes de la prison ferme
"Du côté des régimes démocratiques, c'est beaucoup moins virulent, il y a une forme "d'auto-limitation". On a une opinion publique à gérer", explique Rémi Kauffer. Dans les affaires rendues publiques, les "taupes" sont le plus souvent jugées et sévèrement condamnées. C'est le cas de l'Américain Aldrich Ames. Agent de la CIA pendant plus de 30 ans, il a commencé à transmettre des informations à l'Union soviétique dans les années 80. Sa trahison aurait coûté la vie à une douzaine d'agents doubles travaillant pour les Américains. Il est condamné en 1994 à la prison à vie.
D'autres taupes auront plus de chance. Membre du groupe d'agents doubles "Les cinq de Cambridge", le Britannique Anthony Blunt, démasqué dans les années 60, avoue tout au MI5. Mais ce grand historien de l'art est conseiller de la reine. Sa carrière d'espion double restera un secret d'Etat. "Dans un pays de l'Est, il aurait eu un accident de voiture. Or là, on appuie sur le couvercle jusqu'en 1979, date à laquelle le scandale éclate. Blunt est alors identifié comme un traître. Mais il mourra dans son lit", note l'historien français.
Échangé puis empoisonné quelques années plus tard
"Aujourd'hui, en règle générale, quand un transfuge est identifié un mandat d'arrêt pèse sur sa tête, si jamais on arrive à le prendre il est jugé et doit purger une peine", explique Alain Rodier, du Centre français de recherche sur le renseignement. Selon cet ancien officier supérieur des services de renseignement extérieurs français, "la liquidation d'un transfuge, hormis dans le cas de quelques dictatures comme la Corée du Nord, n'est plus à l'ordre du jour à l'heure actuelle".
Le récent cas de Sergueï Skripal, retrouvé empoisonné le 4 mars 2018 en Grande-Bretagne, sème néanmoins le doute. Cet ex-agent double russe avait été condamné en 2006 à treize ans de prison pour avoir fourni du renseignement aux Britanniques, avant de bénéficier en 2010 d'un échange d'espions entre Moscou, Londres et Washington. De lourds soupçons pèsent désormais sur la Russie, qui clame son innocence.
Certains pays ne cachent pas leur détermination à l'égard de ceux qu'elle considère comme des traîtres, comme l'illustre l'affaire Mordechai Vanunu. L'ex-technicien atomiste, qui avait révélé des secrets sur le programme nucléaire de l’Etat hébreu, a été enlevé à Rome en 1986 par les services de renseignement israéliens, où il avait été attiré par une agente israélienne simulant une relation sentimentale. Transféré puis jugé en Israël, il est resté plus de 10 ans en isolement total. Depuis sa libération en 2004, il lui est interdit de s'entretenir avec des journalistes étrangers.
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