Ce qu'il faut savoir sur le Mouvement 5 étoiles, premier parti d'Italie

10 ans après sa création, ce mouvement de protestation est devenu un parti politique populiste opaque prônant démocratie numérique et rejet de la vieille classe politique. Il est arrivé en tête des élections générales avec 32% des voix.
Tout a commencé par un gigantesque bras d'honneur. En septembre 2007, après une campagne citoyenne contre la corruption, l'humoriste italien Beppe Grillo organisait le premier Vaffanculo Day (V-Day, la journée du "Va te faire foutre"). Ces manifestations massives contre une classe politique italienne vieillissante et corrompue l'ont fait connaître en dehors du monde du spectacle. Fort de cette mobilisation et du succès de son blog, le plus lu d'Italie, le comédien a fondé le Mouvement 5 étoiles (M5S) deux ans plus tard, en 2009.
Dimanche, le M5S s'est hissé au rang de premier parti d'Italie, en remportant 32% des voix aux élections législatives. En l'espace de 10 ans, le mouvement populaire "ni de droite ni de gauche" s'est mué en parti populiste aux contours flous.
Un nouveau leader plus modéré
A presque 70 ans, le tonitruant fondateur du mouvement s'est mis en retrait il y a quelques mois, laissant sa place à Luigi di Maio, 31 ans, un dauphin plus modéré et rassurant. Le Napolitain, vice-président de la Chambre des députés depuis 2013, a milité dès 2007 derrière Beppe Grillo, avant d'adhérer au mouvement en 2009 puis d'en gravir progressivement tous les échelons. En septembre, les militants du mouvement l'ont désigné candidat au poste de Premier ministre avec 82% des voix, un score que ses détracteurs attribuent à l'absence de vraie concurrence. Mais ce changement de visage s'est accompagné d'un changement de discours pour le M5S.
Programme adouci et discours hybride
La sortie de l'euro a disparu des programmes du Mouvement 5 étoiles, ancien habitué des attaques contre l'Union européenne. L'Europe n'apparaît tout simplement plus dans le programme officiel et l'idée d'un référendum sur la sortie de l'euro, évoquée il y a quelques mois, n'est plus d'actualité. Au Parlement européen, le M5S a pourtant noué une alliance qu'il veut "technique" avec l'Ukip de Nigel Farage, le parti britannique à l'origine de la campagne pour le Brexit.
Le mouvement, que les experts peinent encore à qualifier, mélange rhétorique de gauche contre la corruption et l'écologie notamment, et rhétorique de droite sur la fiscalité ou l'immigration.
Alors qu'il était jusque-là farouchement opposé à une alliance avec d'autres partis, le M5S, qui n'est pas en mesure d'obtenir la majorité et donc de gouverner seul, se dit désormais prêt "à discuter avec toutes les forces politiques", y compris pourquoi pas celles d'extrême droite, comme la Ligue de Matteo Salvini, sur la base du programme défendu par le mouvement: lutte contre la pauvreté, le gaspillage et l'immigration, mais aussi pour la sécurité, l'emploi et le développement. Mais ces changements ne suffiront peut-être pas à faire oublier les nombreuses polémiques dans lequel le parti s'est empêtré, y compris très récemment.
40 élus volatilisés en 5 ans
Le Mouvement 5 étoiles a obtenu ses premiers bons résultats électoraux en 2013, en faisant entrer 109 députés et 54 sénateurs au parlement italien. Lors des municipales de 2016, le mouvement remporte également plusieurs grandes villes, dont Turin, Livourne et surtout Rome, dirigée par Virginia Raggi, une avocate de 39 ans jusque-là conseillère municipale de la capitale.
Malgré ces victoires, le mouvement n'est jamais parvenu à se hisser à la tête d'une région ou à dominer le parlement. En cinq ans, il a en outre perdu pas moins de 40 députés et sénateurs dans les deux chambres, certains ayant quitté volontairement le parti, d'autres ayant été expulsés. Avant les dernières élections, une dizaine d'élus ont annoncé leur volonté de quitter le parti à peine leur élection annoncée. Parmi ces élus qui ont choisi de faire défection, certains avaient omis de préciser qu'ils étaient francs-maçons, d'autres ont été pris la main dans le "Rimborsopoli": le scandale des remboursements.
Polémiques à la chaîne
A leur élection, les néo-députés et sénateurs du parti s'étaient engagés à reverser la moitié de leurs indemnités dans un fonds de soutien aux PME et PMI. Un site internet comptabilisant en temps réel le montant total de ces versements a même été mis en ligne, permettant d'attester de la bonne foi de ces parlementaires d'un nouveau genre.
Jusqu'à ce que des journalistes constatent une différence de taille entre les déclarations de versement des élus et les montants effectivement engrangés. Au total, une dizaine de députés sont accusés d'avoir annulé certains de leurs versement aussitôt après les avoir effectués, afin de retoucher l'argent. Et ce pour un montant de 1,5 millions d'euros en tout.

Opacité et fake news
Les détracteurs du parti pointent aussi son opacité et s'interrogent notamment sur le rôle de Davide Casaleggio en coulisses. Ce quadragénaire est le fils de Gianroberto Casaleggio, l'autre fondateur du mouvement, moins connu que Beppe Grillo. Cet ingénieur en informatique, qualifié parfois de "gourou" est mort en 2016 et a laissé place à son fils, Davide, qui détiendrait à lui seul les clefs du parti, jusqu'à donner son feu vert ou son veto aux candidats estampillés M5S.
Matteo Renzi, le grand perdant de ces législatives, à la tête d'un Parti démocrate exsangue, accuse Luigi di Maio de n'être que le pion de Davide Casaleggio. En novembre dernier, l'homme de gauche, visé par une campagne de désinformation liée à la Russie, pointait aussi du doigt les fake news relayées massivement par des sites proches de la sphère M5S. De fausse nouvelles qui remonteraient jusqu'à Davide Casaleggio, car comme le souligne une enquête du New York Times, sa compagnie a hébergé et gagné de l'argent en publicités grâce à des sites relayant théories complotistes et fake news apparues pendant la campagne.
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