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Ce "détail" juridique qui permet aux propriétaires Airbnb de gagner face à la mairie de Paris

Une grande partie des propriétaires Airbnb en conflit avec la mairie de Paris obtiennent gain de cause en justice. Et ce grâce à la déclaration H2. Explications.

La mairie de Paris avait-elle vu venir le coup? Dans la guerre qui l'oppose à Airbnb, elle avait remporté deux batailles décisives en septembre 2020 et en février 2021. En septembre 2020, la justice européenne avait validé la loi française qui régule les locations de courte durée. Dans son arrêt, la Cour de justice de l'UE estimait qu'"une réglementation nationale soumettant à autorisation la location, de manière répétée, d'un local destiné à l'habitation pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile est conforme au droit de l'Union". Elle ajoutait: "La lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d'intérêt général justifiant une telle réglementation". En février 2021, la Cour de cassation avait jugé pour sa part la réglementation française conforme au droit européen, "proportionnée" et justifiée pour lutter contre la pénurie de logements destinés à la location.

Des décisions favorables qui permettait à la capitale française de reprendre les poursuites judiciaires - qui étaient jusqu'ici suspendues dans l'attente de cette clarification de la Cour de cassation- contre 420 bailleurs, auxquels elle réclamait en moyenne 50.000 euros, soit un total de 21 millions d'euros d'amendes.

Mais un "détail" a mis une épine dans le pied de la mairie de Paris. Ce détail s'appelle la déclaration H2. La ville de Paris a l'obligation de démontrer l'usage d'habitation d'un logement au 1er janvier 1970. C'est ce que prévoit la loi. Pour cela, elle s'appuie sur la déclaration H2 qui permet de recenser les constructions nouvelles et d'établir leur valeur locative cadastrale. Mais ce ne sont pas des données que la ville de Paris a toujours ou de manière incomplète (le nom de l'occupant, le montant du loyer ou encore la date d'entrée des lieux peuvent manquer, des mentions sont raturées, une identification de lot est illisible…).

La fiche H2 au coeur de la bataille

Début 2021, l'avocat Xavier Demeuzoy, du cabinet Demeuzoy Avocats, précisait à BFM Immo: "La Ville de Paris doit être prudente dans sa démonstration de l’usage d’habitation du local, sans quoi le mécanisme ne peut être activé. En l’occurrence mon cabinet connaît de très nombreux dossiers dont l’usage au 1er janvier 1970 n’est pas rapporté. Mon cabinet ne manquera pas de faire valoir cet argument et d’autres encore pour contester ces assignations de la Ville de Paris!"

Et il semblerait qu'il ait eu raison de faire preuve d'optimisme. Au Figaro, il confirme que sur les 150 dossiers dont il s'occupe, il a obtenu que la mairie soit déboutée pour la moitié d'entre eux. De son côté, Lorène Derhy, avocate au barreau de Paris, affirme au quotidien: "Sur 80 dossiers environ, j’ai obtenu 90% de victoires en première instance. Je viens d’obtenir ma première victoire sur un dossier où la mairie avait fait appel". Elle a également publié un message sur Linkedin en ce sens.

Pour Lorène Derhy, ces décisions devront faire jurisprudence et les propriétaires dont la fiche H2 ne mentionne pas le loyer au 1er janvier 1970 gagneront si "la mairie n’apporte pas de preuves complémentaires pour rapporter l’usage d’habitation du local qu’elle vise à cette date impérative". Mais plus important, les propriétaires pourront-ils à nouveau louer leur résidence secondaire sur Airbnb? Maître Romain Rossi-Landi répond au Figaro: "À mon sens oui car ils pourraient invoquer le principe “d’autorité de la chose jugée”. Mais je leur conseille d’attendre de savoir si la mairie se pourvoit en cassation. Si tel n’est pas le cas, je leur réponds oui".

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze Journaliste BFM Éco