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Universal, Warner, Sony: comment le "Big Three" a repris la main sur le business musical

Les locaux berlinois de Universal Music (photo d'illustration)

Les locaux berlinois de Universal Music (photo d'illustration) - John Macdougall - AFP

Mis à terre par l'émergence du piratage et la disparition du disque, les majors ont senti le vent du boulet. Mais après avoir frôlé la perdition, elles sont finalement revenues plus fortes que jamais.

On n'enterre pas si facilement des entreprises quasi-centenaires. Pourtant, le début des années 2000 laissait présager le pire pour la toute puissante industrie musicale. Les majors, si fortes pendant des décennies, ont touché le fond au milieu des années 2000.

La faute à internet, au piratage, aux nouveaux usages, à la TVA sur les disques… Les raisons sont multiples mais le constat est là: à l'aube du 21ème siècle, les ventes s'effondrent dans le monde entier. Bien installées sur des rails, les majors n'ont pas vu arriver le MP3, un format de compression qui a permis les premiers échanges de fichiers sur internet.

Jusqu'en 1998, on comptait encore six compagnies: Warner Music Group, EMI, Sony Music, BMG, Universal Music Group et PolyGram. Ce dernier sera avalé par Universal en 1999 tandis que Sony et BMG fusionneront en 2004. Dernier mouvement en 2012 quand EMI est avalé, là encore, par Universal… Voici donc le "Big Three": Sony, Universal et Warner.

Toucher le fond pour mieux remonter

En une décennie, la crise a donc transformé durablement le paysage tandis que le marché mondial a reculé de 32% entre 2003 et 2013. La même année, Vivendi (de Vincent Bolloré) refuse pourtant une offre jugée mirobolante de SoftBank pour racheter Universal Music: 8,5 milliards de dollars quand les analystes ne valorisaient alors la major qu'à moins de 6 milliards de dollars… Mais moins de dix ans plus tard, Vincent Bolloré a gagné son pari puisque l'introduction en Bourse devrait la valoriser à plusieurs dizaines de milliards.

En réalité, les trois majors ont su faire le dos rond pour renaître de cette décennie maudite, contredisant tous les pronostics de mort annoncée. Le virage a été amorcé en 2014 lorsque les revenus globaux ont atteint un plancher inédit (14 milliards de dollars). Toucher le fond pour mieux remonter.

Si les ventes de disques ont poursuivi leur chute, le streaming est alors devenu la norme pour représenter désormais la majeure partie des revenus. L'émergence de Spotify et des autres plateformes ont redonné un nouveau souffle aux majors à grands coups de royalties. Malines, elles ont su conserver pendant ces troubles leurs précieux catalogues de chanson qui s'arrachent désormais à prix d'or.

Moins de coûts, plus de revenus

D'autant que ce sont généralement les vieux tubes qui rapportent le plus d'argent. En avril 2020, en pleine première vague du coronavirus, le cabinet Nielsen montrait que la moitié des amateurs de musique écoutaient d'anciennes chansons, de Bob Dylan à Bob Marley.

De cette manière, l'industrie empoche un joli pactole, auxquels s'ajoutent les revenus des nouveaux titres. Surtout, les investissements sont bien moins importants: c'est très facile et peu cher de lancer un nouvel artiste sur internet. Selon le Financial Times, l'abandon du disque physique a fait grimper la marge bénéficiaire de 16 à 20% entre 2018 et 2020.

Désormais, les "Big Three" négocient à tour de bras avec les plateformes et réseaux sociaux pour l'exploitation de leurs catalogues. Warner Music affiche une croissance à deux chiffres de ses revenus (+32,7% au troisième trimestre 2021 par rapport à l'année précédente) tout comme Sony Music.

Mais cette dynamique folle n'est pas sans nuages à l'horizon. Tout d'abord, la croissance des abonnements aux plateformes musicales devrait finir par ralentir tandis que les pays avec le plus de potentiel (Chine, Inde…) rapporteront moins que les marchés matures car les tarifs y sont plus faibles.

De la même façon, les plateformes musicales multiplient les stratégies pour diluer le poids des majors dans leurs offres avec des podcasts mais aussi avec des outils pour aider les artistes à s'autoproduire. Ainsi, sur Spotify, la part des écoutes captée par les majors baisse régulièrement. En attendant, elles profitent pleinement de cette renaissance.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business