Les industriels en ont assez des "calendriers de travail" de l'Europe: ils réclament des décisions rapides pour sauver des filières frappées par Donald Trump

Plusieurs secteurs de l'industrie européenne comme l'acier, pris en tenaille entre baisse de la demande locale et concurrence internationale, s'alarment de la lenteur des dirigeants européens à traduire les plans d'aide annoncés en actes législatifs.
Mardi, l'ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, auteur il y a un an d'un rapport prônant des "réformes radicales" pour éviter à l'Europe un décrochage économique, a fustigé l'"incapacité" du Vieux Continent à "aller aussi vite" que les Etats-Unis ou la Chine. Aux yeux des professionnels, l'acier en est un parfait exemple.
• Que demandent les industriels?
"La plupart des industriels français se plaignent d'une trop grande lenteur de décision de la part de la Commission européenne", s'agace Alain Le Grix de la Salle, président d'ArcelorMittal France, auprès de l'AFP. "L'Europe a publié en mars un plan acier, qui est bien défini, mais l'application des décisions est beaucoup trop lente par rapport aux enjeux actuels.
"Il faut que l'Europe bouge, il y a urgence!"
Constat partagé dans l'entourage du ministre démissionnaire de l'Industrie français, Marc Ferracci. Cette source a pointé récemment auprès de plusieurs médias "un enjeu de rapidité" au niveau européen, appelant à "des actes législatifs, et plus seulement des calendriers de travail".
La proposition législative de la Commission européenne visant à réduire jusqu'à plus de 50% l'importation d'acier en Europe via différentes mesures commerciales était attendue pour septembre. "Il est essentiel d'avoir une limitation des importations qui puisse s'appliquer dès janvier 2026. Sur un sujet simple tel que celui-ci, la Commission devrait pouvoir statuer beaucoup plus vite", estime Alain Le Grix de la Salle.
Il demande aussi une révision urgente du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), censé soumettre les produits importés à une tarification du carbone équivalente à celle appliquée aux industriels européens fabriquant ces produits.
Il doit dans un premier temps s'appliquer à certaines marchandises fortement exposées au risque de fuite de carbone (délocalisation d'entreprises pour éviter d'être soumises aux normes d'émissions de l'UE), parmi lesquelles, outre l'acier, le ciment, l'aluminium, les engrais azotés ou l'hydrogène.
• Quels problèmes rencontrent-ils?
Pour les métallurgistes, "il est urgent d'agir pour stopper l'afflux d'acier inoxydable en provenance d'Asie à des prix artificiellement bas", estime dans un message transmis à l'AFP Aperam, producteur d'acier inox implanté notamment en France et en Belgique.
Les droits de douane imposés par les Etats-Unis de Donald Trump ont contribué à "réorienter vers l'Europe les flux d'acier produits dans le monde qui étaient autrefois livrés aux Etats-Unis", estimait ArcelorMittal fin juillet. Une offre souvent à bas prix qui concurrence directement le métal produit en Europe.
Ce, alors que les sites de production européens souffrent déjà d'un déficit de compétitivité notamment lié à des coûts énergétiques "très élevés" et à "la nécessité d'investissements massifs pour répondre aux exigences de décarbonation" d'un secteur très émetteur, rappelle le rapport CyclOpe sur les matières premières.
• Quelles sont conséquences sur leur activité?
A défaut de mesures d'aides, les industriels assurent que leur "capacité à investir dans la décarbonation" sera compromise, selon Aperam. ArcelorMittal, deuxième producteur mondial d'acier, a suspendu ses projets d'investissement de décarbonation du plus grand haut-fourneau européen à Dunkerque (pour 1,8 milliard d'euros) dans l'attente de mesures d'aides. Il a aussi annoncé la suppression de quelque 600 postes dans sept sites du nord de la France.
"L'urgence est majeure, il faut protéger nos industries de base qui sont un socle pour permettre notre transition énergétique, pérenniser nos filières de souveraineté et créer la valeur productive permettant de préserver le modèle social français", plaide Bruno Jacquemin, délégué général de A3M (extraction minière, métallurgie, sidérurgie et recyclage des métaux).
Le rapport CyclOpe note qu'avec désormais 11% de la demande mondiale d'acier, "l'Europe compte de moins en moins dans l'équilibre du marché global", dans lequel plus de la moitié de la production est assurée par la Chine. Cela réduit sa capacité à "influencer les tendances de prix et les dynamiques d'approvisionnement".