Les raisons de la colère: les manifestations contre la réforme des retraites cachent-elles autre chose?

Si la réforme des retraites, actuellement examinée au Sénat, cristallise les mécontentements d'une majorité des Français, ils ont pourtant bien d'autres motifs de grogne. Et si le recul de l'âge de départ à la retraite n'était que l'écorce d'un ras-le-bol plus profond ?

Des millions de Français ont battu le pavé des rues de France depuis le début de l’année. Un leitmotiv: ils ne veulent pas de la réforme des retraites dont la mesure phare est le recul de l’âge de départ de 62 à 64 ans. 

Pour la sixième journée de mobilisation ce mardi 7 mars, le mouvement s’annonce a été plus massif et plus dur que les précédents et cette fois. Une journée "historique" pour les syndicats. 

Alors que l’inflation explose, que la récession toque à notre porte depuis plusieurs mois et que la guerre en Ukraine menace de s’éterniser, pourquoi les Français ont décidé de manifester contre les retraites?

L'expression d’une colère plus grande?

Si les syndicats martèlent depuis plusieurs mois leur opposition massive et unanime au report de l'âge de départ à la retraite, des voix diffuses et moins perceptibles s'immiscent parfois dans les discussions pour aborder ces autres problèmes qui plombent le quotidien et bouchent les horizons des Français.

"Il y a une colère sociale puissante qui cherche les moyens de s'exprimer et de s'organiser," dit Axel Cresson, secrétaire général de la CGT Cheminots, sur Franceinfo.

Lors d'un récent entretien avec le journal La Marseillaise, Frédéric Souillot, secrétaire général de Force Ouvrière, n'en dit pas moins: "La réforme des retraites était une cocotte-minute qui bouillonnait, avec dedans, l’inflation, la hausse des coûts de l’énergie, la non-augmentation des salaires… La réforme est le catalyseur."

"Aujourd'hui, c'est toujours les mêmes à qui on veut prendre l'argent," dit aussi Clément, qui manifeste le 7 mars à Nice, au micro de BFMTV.

Pour Jean-Claude Ducatte, président du cabinet de conseil EPSY, “Il y a un gigantesque ressentiment.” "Quasiment chaque Français a une raison d’être extrêmement mécontent de ses gouvernants", note-t-il. Retraites, inflation, carburant, l’impression de ne pas être écouté... Il énumère les points qu’ils considèrent comme des sources de frustration françaises.

Alors pourquoi se retrouver sur les retraites? Pour lui, s’ils ne manifestent pas contre d’autres sujets, cela serait car “la retraite, c’est propre”. Il détaille en expliquant qu’il est des problèmes plus durs à avouer que d’autres, et parmi ceux-là figurent les difficultés à joindre les deux bouts.

En réunissant autour du texte des retraites, les syndicats savaient qu’ils pouvaient rassembler plus de monde que sur d’autres sujets historiquement moins fédérateurs.

Derrière les retraites, l'inflation 

Faire du bruit pour enfin se faire entendre. Mais à quel propos ? Force est de constater, en effet, que les Français ne manquent pas de raisons de protester. En tête de liste : une inflation galopante. 

Les prix de l’alimentaire, notamment, ont de quoi contrarier les consommateurs, d’autant plus que de nouvelles hausses de prix se profilent dans les prochaines semaines. Dans nos chariots, l’inflation a atteint 14,5% en février et les négociations entre industriels et distributeurs qui se sont achevées la semaine dernière vont alourdir cette augmentation de 4 à 7% supplémentaire sur certains produits. 

Et il y a l’énergie. Les prix de l'électricité ont explosé en France ces derniers mois précipitant, entre autres, des petits commerçants vers la faillite.

Guerre en Ukraine, morale en berne, salaire à la traîne... la liste est longue en cette période de confusion et de changement, mais pour l'instant, les Français mécontents ont choisi leur combat: les retraites.

Olivia Bugault