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Finances publiques

Déficit: les sénateurs dénoncent l'"irresponsabilité budgétaire" des précédents gouvernements

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La commission des finances du Sénat a rendu ce mardi les conclusions de sa mission d'information sur le dérapage du déficit public. Celles-ci reprochent aux précédents gouvernement une "irresponsabilité budgétaire assumée" et déplorent le "double discours" des ministres de l'époque.

À qui la faute? C'est la question à laquelle tentait de répondre la commission des finances du Sénat dans le cadre d'une mission d'information sur le dérapage du déficit public, attendu à 6,1% du PIB fin 2024, contre 4,4% prévus initialement.

Audtionnés la semaine dernière par les sénateurs, les anciens chefs de gouvernement, Gabriel Attal et Elisabeth Borne, l'ancien ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, et l'ancien ministre du Budget, Thomas Cazenave, n'ont visiblement pas réussi à convaincre. Et pour cause, les conclusions de la mission d'information sont particulièrement sévères pour les membres des gouvernements précédents, accusés d'"irresponsabilité budgétaire assumée".

"Le premier constat qui ressort de nos travaux, c’est que le gouvernement connaissait en réalité l’état critique dans lequel s’enfonçaient nos finances publiques dès le mois décembre 2023. Il aurait dû selon nous réagir vigoureusement, mais il ne l’a pas fait", a déclaré le président de la mission d'information, Claude Raynal ce mardi.

Le Duel de l’Eco : Bruno Le Maire auditionné par le sénat - 07/11
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"Double discours"

La mission d'information reproche ainsi aux précédents gouvernements une "inaction" et un "attentisme dommageables" face à l'explosion du déficit, alors qu'"aucune mesure d'ajustement n'avait été prise en décembre 2023 pour modifier le projet de loi de finances 2024" malgré "plusieurs alertes", notamment sur une baisse des recettes fiscales.

En outre, ils accusent Bruno Le Maire et Thomas Cazenave d'avoir tenu un "double discours" alors qu'ils recommandaient dans une note adressée à Elisabeth Borne le 13 décembre 2023 de communiquer sur "le caractère critique de (la) situation budgétaire".

"Ils défendaient dans cette note l'exact opposé de ce qu'ils ont affirmé au printemps durablement devant la mission d'information du Sénat", a indiqué Jean-François Husson, rapporteur de la mission d'information.

Lors de leurs auditions, les anciens responsables se sont eux défendu de toute "dissimulation", assurant tous avoir "maîtrisé la dépense" et avoir réagi avec célérité au fil des actualisations économiques, en gelant des milliards de crédits notamment. L'explication, selon eux, réside surtout dans une erreur d'évaluation des recettes fiscales, inférieures de 41,5 milliards d'euros aux prévisions. Bruno Le Maire avait aussi renvoyé une partie de la responsabilité sur ses successeurs, reprochant au gouvernement Barnier de ne pas avoir "mis en oeuvre" des mesures de redressement préparées durant l'été par l'équipe démissionnaire.

Le temps perdu de la dissolution

Claude Raynal et Jean-François Husson estiment aussi que de nombreux mois ont été "perdus" dans le rétablissement des comptes, en raison des remaniements et surtout de la dissolution, prémisse d'une "trop longue attente dans la désignation du nouveau Premier ministre". Ils regrettent aussi l'absence de budget rectificatif au printemps, décidée selon eux par des "calculs à courte vue" sur fonds d'élections européennes et de risque de censure.

La mission de la chambre haute, menée en début d'année 2024 et relancée ces dernières semaines face à une dégradation des comptes bien plus inquiétante que prévu, touche à sa fin juste avant que le Sénat ne se saisisse du projet de budget de l'Etat pour 2025, examiné dans l'hémicycle à partir du 25 novembre. Et l'Assemblée nationale s'apprête à prendre le relais: elle mènera dans les prochaines semaines une commission d'enquête sur le même thème.

Le dossier est ultrasensible, en plein coeur d'un automne budgétaire à haut risque pour le gouvernement de Michel Barnier, menacé de censure par les oppositions à l'Assemblée nationale, où le camp gouvernemental est très minoritaire. D'où l'intérêt pour le Sénat et sa majorité de droite de crever l'abcès au plus vite, pour éviter de rééditer de nouvelles "erreurs de pilotage".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco