Le diamant artificiel est-il vraiment un diamant écolo?

- - Baunat
Pour l'industrie de la joaillerie, c'est une nouvelle digue qui cède. Ce mardi, le Danois Pandora, spécialiste des bijoux d'entrée de gamme, a annoncé son intention de renoncer aux diamants naturels pour se concentrer sur les diamants de synthèse. La nouvelle collection présentée à Londres a été produite avec une moyenne de 60% d'énergies renouvelables, et ce chiffre doit atteindre 100% l'an prochain, assure la marque.
Les diamants artificiels ne sont pas nouveaux. Le processus de fabrication des pierres artificielles est même centenaire mais leur arrivée sur le marché de la bijouterie est plus récente. En France, le joaillier Courbet en a fait sa marque de fabrique, visant ainsi les nouvelles générations sensibles aux conditions d'extraction des pierres naturelles. En 2018, le numéro 1 mondial du diamant De Beers a aussi frappé un grand coup en proposant une gamme de diamants synthétiques, tout en poursuivant la promotion des pierres naturelles au sein de la Diamond Producers Association (DPA).
Il est difficile de différencier les deux cristaux. Dans les deux cas, on parle de carbone cristallisé. Ceux des mines ont parfois des millions d'années, ceux en laboratoire à peine quelques semaines. Pour autant, la structure est bien la même. Créer des diamants "de culture" est d'ailleurs une méthode bien rodée, qui trouve ses prémices au début du 20ème siècle.
Après la seconde guerre mondiale, les premiers diamants artificiels sont d'abord utilisés dans l'industrie mais c'est en 1971, avec le développement de la technique HPHT (Haute pression, haute température) que le diamant artificiel prend son essor. Ces dernières années, la méthode s'est encore affinée pour apporter toujours plus de précision et arriver à des diamants quasi-parfaits. Une autre méthode, par basse température, est aussi utilisée depuis le début des années 2000 avec de résultats impressionnants.
Le bilan carbone, un enjeu de communication
Les pierres de synthèse font évidemment polémique, certains craignant une dévalorisation des diamants naturels tandis que d'autres parient sur une inflation des prix pour les "vrais" diamants. La question de l'origine des diamants naturels (conflits sanglants, travail d'enfants...) est aussi un argument des laboratoires même si les miniers s'assurent de l'origine des pierres vendues. Mais entre les partisans et les opposants, le bilan carbone est aussi devenu un enjeu de communication.
Courbet se présente, par exemple, comme un "joaillier écologique". Pour la marque, les diamants de synthèse génèrent moins de C02 que les naturels. Les mines à ciel ouvert demandent beaucoup d'espace, d'eau, d'énergie. Pour autant, la production en laboratoire demande énormément d'énergie.
En 2019, la DPA a ainsi commandé un rapport sur l'impact écologique du secteur minier auprès de Trucost, une filiale de S&P Global. Un diamant naturel (un carat) émettrait ainsi en moyenne 160 kilogrammes de C02… contre 511 kg pour un diamant artificiel.
"L’empreinte environnementale terrestre des activités minières de diamant des membres de la DPA est faible du fait de la relative petite taille des opérations, des faibles quantités de produits chimiques utilisés, et du recyclage d’eau (82% de recyclage)" indique le rapport. Pour les diamants artificiels, c'est principalement l'énergie déployée (surtout pour la technique HPHT) qui fait grimper le résultat.
L'avantage du nucléaire
Une version contestée par les fabricants de synthèse, notamment en France. Pour la fondatrice de Diam Concept, qui fournit notamment Courbet, c'est l'origine de l'énergie qui doit être regardée. Si le charbon est souvent la norme dans l'industrie en Chine, la France utilise principalement l'électricité nucléaire dans son mix énergétique. "Soit environ 20kg de CO2 par carat" pour la méthode basse température, indique Alix Gicquel à BFM Business. "C'est dix fois moins que les meilleures mines qu'on connaît."
Courbet se fournit aussi aux Etats-Unis avec une énergie solaire et en Russie avec une énergie hydraulique. Et c'est encore une similitude avec les pierres naturelles : les diamants ne sont pas toujours sales.