Des associations "anti dos d'ânes" pointent du doigt le bruit et la pollution qu'ils génèrent

Un Peugeot 3008 avec le moteur essence 1,2 litre de 130 chevaux faisait partie du protocole de tests pour évaluer l'effet "surconsommation" des ralentisseurs. - Ligue de défense des conducteurs
Installés pour empêcher les conducteurs de rouler trop vite, les ralentisseurs sont dans le viseur de plusieurs associations. Après avoir dénoncé le non-respect des normes, avec, par exemple, des dos d'ânes qui ne respectent souvent pas la limite légale fixée à 10 centimètres de hauteur, c'est leur bilan environnemental qui est pointé du doigt.
Test "grandeur nature"
"Si les dommages matériels, voire corporels que peuvent engendrer les ralentisseurs hors normes sont déjà identifiés, aucune étude n'avait été menée, jusqu'à ce jour, pour mesurer toutes les autres nuisances qu'ils engendrent: surconsommation, CO2, inconfort, bruit", explique l'association de la Ligue de défense des conducteurs, qui a donc décidé de réaliser un test "grandeur nature".
Sur un circuit fermé, l'association a tout simplement fait installer deux ralentisseurs, un de 10 centimètres de haut, respectant les normes, et un autre non, avec 24 centimètres de hauteur. Les deux véhicules cobayes sont parmi les plus populaires de ces dernières années, une citadine Renault Clio et un SUV Peugeot 3008, tous les deux roulant à l'essence.
Un test réalisé en partenariat avec deux autres associations, "Pour une mobilité sereine et durable" (PUMSD) qui traque depuis des années ces ralentisseurs illégaux partout en France, et "L'Automobile Club des Avocats", et avec les experts de l'Automobile Magazine, le tout sous contrôle d'un huissier.
Et le résultat est sans appel: en comparaison avec le passage du véhicule sans ralentisseur, la surconsommation de carburant est de +10,5% pour la citadine et de +13% pour le SUV sur un ralentisseur dit "légal". Elle s'envole respectivement de +26% et de +28% lors du franchissement du ralentisseur "illégal".

On peut ainsi en déduire l'excès d'émissions de dioxyde de carbone: avec "un surcoût énergétique et des émissions de CO2 supplémentaires d'environ 15% par rapport à un ralentisseur légal, qui plaident pour leur suppression", souligne la Ligue de défense des conducteurs.
Inconfort et bruit
Ce test a également permis de mettre en avant la dégradation du confort, avec des secousses bien plus fortes à bord lorsque le ralentisseur illégal est passé à 15 km/h, par rapport au ralentisseur légal passé à 25 km/h. Au-delà du simple "confort", la Ligue des conducteurs avait réalisé un sondage en mars 2021 auprès des chauffeurs de bus et d'autocars un peu partout en France: sur plus de 500 témoignages, près de la moitié estimaient que ces équipements dégradent leur santé au travail, avec notamment des problèmes de dos pour certains.
Les vibrations générées lors des passages de voitures peuvent aussi entraîner des dégradations sur les habitations à proximité, avait déjà pointé du doigt l'association PUMSD début 2021.
Autre constat lors du test, les nuisances sonores. Si, avec une voiture moderne, le passage sur ralentisseur ne produit pas plus de bruit que s'il n'y en avait pas, le fait de devoir décélérer jusqu'à 15 km/h pour franchir le ralentisseur illégal provoque une hausse de 2 à 3 décibels à la ré-accélération, soit un bruit doublé.
"Et si le bouclier frotte, ce qui n'est pas rare, et qui devient inévitable dès 18 km/h, le bruit est multiplié par huit!", souligne l'étude.
La quasi-totalité des ralentisseurs seraient hors normes
S'il n'existe pas de chiffres officiels, l'association PUMSD rappelle qu'il y aurait 450.000 ralentisseurs en France, avec la quasi-totalité qui ne respecte par les normes.
Avec la prise de conscience environnementale actuelle, les associations qui ont organisé ce test espèrent éveiller l'attention des pouvoirs publics et de l'Etat. Sans leur jeter la pierre, les maires, qui ont parfois installé des ralentisseurs non-conformes sans en avoir conscience, doivent être accompagnés pour procéder à leur mise en conformité, ce qui passe en général par une destruction. Et peuvent a priori se retourner contre les entreprises de construction mandatées, qui ont un devoir de conseil et de refus d'une installation sur la voie publique.
Des dossiers complexes qui risquent d'occuper encore longtemps les associations. Mais cette dernière étude devrait permettre de mener d'autres actions en justice.
"Pour être clair, il y aura une suite judiciaire à ce constat que nous venons d'établir sur les nuisances causées par ces ralentisseurs", souligne maître Rémy Josseaume, président de l'Automobile Club des avocats.
Plusieurs procédures sont en effet en cours et s'apprêtent à être lancées, rappelle en effet Thierry Modolo, président de l'association "Pour une mobilité sereine et durable":
"Nous allons déposer une nouvelle plainte pénale à Toulon, en parallèle de celle déjà en instruction sur les coussins berlinois et une contre le ministre des Transports que maître Rémy Josseaume est en train de préparer."