Mariage homo: "Hollande s’est pris les pieds dans le tapis"

Le mariage homo va être examiné à partir de jeudi au Sénat, où l'adoption du projet de loi se jouera à quelques voix.
Jeudi après-midi. 16 heures. Le mariage homo entrera en lice au Sénat, où l'adoption du projet de loi se jouera à une poignée de voix qui risque de s'amenuiser. En effet, le mouvement des anti-mariage homo ne désarme pas et s’est même radicalisé depuis l’adoption du projet, mi-février, à l’Assemblée. Aujourd’hui, ces opposants sont-ils en mesure de faire pression sur le Sénat? L’exécutif leur a-t-il laissé trop de latitude? Eléments de réponse.
> Un débat qui s'est radicalisé
Alors que le texte arrive au Sénat, un constat s’impose d’abord: le mouvement des anti-mariage homo s’est durci et élargi. "On voit bien, depuis la manifestation parisienne du 24 mars dernier - où le mouvement avait réuni 300.000 personnes selon la police -, qu’il ne s’agit plus seulement d’une opposition à une question sociétale. On est passé un cran au-dessus", explique à BFMTV.com le politologue Laurent Dubois.
"On est passé à une question identitaire: au-delà du projet de loi, les anti-mariage homo entendent aujourd’hui porter des revendications sur leur vision de la France et de la famille", poursuit-il, avant d’insister: "l’opposition au mariage homo reste le ciment de leur contestation, mais au-delà, ils défendent aujourd’hui une certaine idée de la France, un ordre moral".
"Pour les antis, Hollande remet en question l’ADN de la société Française, ajoute le politologue... Et au final, on retrouve quasiment l’ancienne opposition entre réactionnaires et progressistes".
> Un Sénat qui hésite
Et ce durcisement du mouvement des antis pourrait avoir des répercutions au Sénat, où l'adoption du texte ne sera pas aussi aisée qu'à l'Assemblée nationale. La gauche ne dispose en effet que de 6 voix de majorité sur la droite et si toutes ses composantes, communistes compris, sont unies pour approuver le mariage homo, des défections individuelles sont attendues dans leurs rangs. Notamment, de la part des élus d'outre-mer de gauche qui s’opposent au texte pour des raisons culturelles ou religieuses.
À droite, des "défections" sont aussi prévues ce qui compense celles de gauche. À l'UMP, la réunionnaise Jacqueline Farreyrol, Alain Millon, Fabienne Keller, Christian Cointat et Christophe-André Frassat ont annoncé un vote pour. Chez les centristes de l'UDI-UC, Chantal Jouanno votera pour et certains ont évoqué l'abstention. Mais ces élus de droite qui hésitent pourraient basculer dans le camp du non ou de l’abstention, en fonction du déroulement des débats et de la pression des opposants.
> Un problème d'agenda
Le texte arrive également au Sénat dans un contexte social tendu. "En terme d’agenda, François Hollande s’est clairement pris les pieds dans le tapis", estime Arnaud Mercier professeur en sciences de l'information et de la communication. "En terme de stratégie politique, il s’est trompé dans cette affaire depuis le début. Victime de son atermoiement. Le mariage homo est un projet qui a été débattu pendant la campagne. Si son programme était solide, il devait être prêt et voté un mois après son élection. Il aurait alors obtenu un bon vote en rappelant que la question avait largement été abordée pendant la campagne".
"François Hollande a souhaité laisser le temps au temps. Mais le temps du débat serein n’a jamais eu lieu et le chef de l’Etat a laissé l’opportunité à ses adversaires de s’organiser et de fédérer les mécontents de tous bords", analyse Arnaud Mercier.
Est-ce que l’affaire Cahuzac va compliquer les choses? "C’est plutôt l’inverse, juge encore le spécialiste de la communication. L’espace médiatique sera occupé par un autre sujet, et les débats pourront se dérouler plus vite". Au Sénat donc, les débats devraient donc être sans concession mais moins exacerbés qu'au Palais Bourbon. Normalement.
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