Le char de l’Etat n’est pas un chasse-neige

Il faut tirer quelques enseignements politiques de la panique générale qu’ont causée les fortes chutes de neige des derniers jours.
Il y avait 2 choses plus prévisibles que les chutes de neige : 1. la désorganisation qu’elles allaient entraîner dans les transports. 2. La polémique politicienne qui allait s’en suivre. Il faut s’y faire : la 5è puissance mondiale ne sait pas faire face sans un effet de panique à des intempéries qui ne sont pourtant pas des tsunamis. Et ce qui frappe, c’est ce réflexe qui consiste à se tourner vers l’Etat : pour réclamer de l’anticipation, de l’aide, de la sécurité – et pour protester qu’il n’y en ait pas eu assez. En France, une inondation ou des giboulées provoquent toujours une tempête politique – dans un verre d’eau glacée…
La gauche et la droite s’accusent mutuellement d’imprévoyance dans la gestion de cette « crise ». Qui a raison ? Tout le monde ou personne ?
Ni tout le monde… ni personne ! C’est une bataille de boules de neige politicienne qui abaisse le niveau du débat public au niveau des températures, c’est-à-dire très proche de zéro… Que Valérie Pécresse réclame une commission d’enquête parlementaire et que Jean-Marc Ayrault se targue de déneiger plus vite que la droite, c’est au-delà du ridicule. La responsabilité des politiques serait de dire une fois pour toutes aux citoyens que l’Etat ne peut pas – et même qu’il ne doit pas – être responsable de tout. En tout cas, certainement pas de la qualité de la circulation sur les routes de France par temps froid. Il ne faut pas confondre le char de l’Etat avec un chasse neige !
Vous voulez dire qu’il faut simplement s’incliner devant les caprices de la météo ? Personne n’est responsable ?
Si. Mais la France ne se résume pas à l’Etat. Il y a les citoyens, qui ont leur part de responsabilité – certains ont pris leur voiture en sachant qu’ils risquaient d’être bloqués. Les sociétés de transport, qui n’ont pas voulu immobiliser leurs camions à titre préventif. Les collectivités, qui ont la charge de l’entretien des routes. Et surtout, pour les autoroutes, des sociétés privées, à qui l’Etat a cédé l’exploitation du réseau en 2005, par une privatisation très contestable – mais très profitable pour elles… et bien moins pour les usagers, puisque le péage vient encore d’augmenter. Des sociétés qui font des profits considérables grâce à des kms de bitume payés par les Français et dont on serait en droit d’attendre qu’elles assurent, par tous les temps, des conditions de circulation acceptables.
Pourquoi est-ce que le gouvernement n’invoque pas cet argument ?
Parce que nos gouvernants, de gauche ou de droite, ont tellement peur d’être accusé d’impuissance qu’ils préfèrent encore être soupçonnés d’incompétence. Ils devraient profiter de la neige pour engager le débat nécessaire sur le périmètre de l’Etat – puisque l’Etat n’a de toute façon plus assez de moyens pour tout faire. Qu’il se concentre sur la sécurité, l’éducation, la santé et l’aide aux plus démunis. Il est temps que les Français cessent de faire semblant croire que les ministres sont responsables de tout pour les accuser en même temps de n’être bons à rien.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce jeudi 14 mars.
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