Faut-il interdire les escortes ministérielles de confort ?

L'accident entre un motard de l'escorte de Nadine Morano et un piéton vire à la polémique. Enquêtes à l’appui, des experts de la sécurité routière dénoncent « des abus manifestes » de ces escortes ministérielles et certains prônent leur interdiction quand il n’y a pas d’urgence. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Cet accident a été révélé par Le Canard enchaîné et confirmé en partie par la ministre de l'Apprentissage. Un motard de la préfecture de police qui escortait le convoi de Nadine Morano a renversé un piéton vendredi dernier, dans le 14e arrondissement de Paris. Hospitalisé, le jeune homme de 28 ans est sorti ce mercredi matin. Il a une incapacité totale de travail de trois mois.
Le cortège avait emprunté une avenue à contresens, pratique autorisée pour les escortes ministérielles, selon une source policière. Le jeune homme renversé avait des écouteurs sur les oreilles, ce qui laisse penser qu'il n'aurait rien entendu venir. Le convoi roulait à "faible allure", selon une source policière. Nadine Morano a précisé que le cortège la conduisait à l'aéroport militaire de Villacoublay dans le cadre d'un déplacement avec le Premier ministre. Selon la ministre, "les escortes de motards font partie de la sécurité, de la réglementation."
Une enquête a été confiée au service du traitement judiciaire des accidents.
« Ils foncent parce qu’ils sont partis trop tard »
Pascal Pennec est rédacteur en chef adjoint à Autoplus. Les journalistes du magazine ont fait plusieurs enquêtes sur ces cortèges officiels. Ils ont comptabilisé bon nombre de petits arrangements avec le code de la route. Pour lui, il y a des améliorations ces dernières années, mais les dérives sont nombreuses : « On invoque souvent un problème de sécurité ; c’est vrai qu’à partir du moment où une voiture est arrêtée, elle peut devenir une cible. En même temps, il y a des abus manifestes. Dès qu’on se trouve sur un trajet qui mène à un aéroport, que ce soit Villacoublay ou Orly, on assiste à des débordements permanents de gyrophares, de voitures qui doublent n’importe comment ; et c’est ce qui s’est passé dans le cas de madame Morano. Ces gens-là foncent parce qu’ils sont partis trop tard et qu’on les attend pour prendre cet avion. Ce sont clairement des abus. En partant 5 minutes plus tôt, comme tout le monde, ils arriveraient à l’heure. Rien ne justifie qu’ils puissent rouler à 150 km/h dans un tunnel parisien par exemple, comme on l’a vu si souvent ».
« Des ministres grisés par ces signes extérieurs du pouvoir »
Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, fustige les escortes de personnalités : « S’il n’y a aucun caractère d’urgence, il faut bien sûr les interdire. Ces escortes prennent des risques, ne respectent pas le code de la route et mettent donc les gens et eux-mêmes en danger. Les ministres en place sont quelques fois grisés par ces signes extérieurs du pouvoir et ils peuvent utiliser ces escortes à mauvais escient. Il faut donc que des consignes leur soient données, car il est loin le temps des privilèges, où le seigneur écartait de sa route tous les manants qui le gênaient ».
« Ça ne me choque pas »
Bruno Beschizza, secrétaire national de l'UMP, tente lui de défendre ces "privilèges" : « La nature des fonctions ministérielles fait que ces escortes sont nécessaires. Si on en prend une pour rejoindre un avion officiel où plusieurs ministres doivent se rendre très rapidement à une réunion programmée, parce que leur journée fait que… ça ne me choque pas ».
Jacques Chirac avait annoncé, après son élection en 1995, que les sirènes et les gyrophares seraient supprimés sur les véhicules des ministres, et que les voitures officielles s'arrêteraient au feu rouge. Cela aura duré très peu de temps. Rappelons que commettre un excès de vitesse, brûler un feu, c'est autorisé, mais uniquement en cas de mission d'urgence, avec utilisation d'avertisseurs lumineux et sonores et sans mettre la vie d'autrui en danger.
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